Par les participant.e.s de l’École d’Hiver Hijra 2021
Le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières, abrégé par le sigle PMM ou Pacte de Marrakech a été adopté en 2018. Il est rattaché à l’Organisation des Nations Unies et a été formellement adopté le 19 décembre 2018 par l’Assemblée générale des Nations Unies. Ce texte se base sur la Charte des Nations Unies ainsi que sur des textes internationaux consacrant les droits humains. Ce pacte est incitatif et non contraignant. Il prévoit également la tenue d’une réunion sous la forme d’un forum d’examen des migrations internationales afin d’évaluer les progrès réalisés tous les quatre ans à compter de 2022.
Il vise également à rassembler les pays d’origine, de transit et les pays de destination des personnes migrantes autour d’une vision commune de ce phénomène et à promouvoir un renforcement de la coopération internationale dans ce domaine. En effet, ce pacte prévoit d’assurer une meilleure protection des personnes migrantes au niveau international, tout en préservant la souveraineté des États sur leur politique migratoire. Il a notamment pour objectif d’assurer le respect des droits humains des personnes migrantes et ce indépendamment de son statut.
Dans une disposition du préambule celui-ci stipule que les migrations sont « facteurs de prospérité, d’innovation et de développement durable et qu’une meilleure gouvernance peut permettre d’optimiser ces effets positifs ». De ce fait, ce pacte appelle à établir un cadre de coopération juridiquement non contraignant et à promouvoir une vision commune d’un phénomène inéluctable découlant de différents facteurs (mondialisation, modifications climatiques, insécurités etc.).
Il est composé d’une quarantaine de pages, avec un préambule, des principes directeurs, des objectifs associés à des engagements, suivi d’une série de mesures regroupant des moyens d’action et des pratiques optimales. On retrouve également 23 objectifs qui sont associés à des engagements « pour des migrations sûres, ordonnées et régulières » et que les États signataires se sont engagés à respecter.
Les recommandations suivantes ont été réalisées par les participant.e.s de l’École d’Hiver Hijra au cours de l’édition de 2021 consacrée à l’étude du PMM. Les objectifs du PMM qui ont été traités sont les objectifs 1, 8, 15 et 16. Le choix de ces objectifs s’explique notamment par le fait que chacun d’eux traite d’une problématique spécifique en lien avec la migration, telle que la collecte et l’utilisation des données, la disparition et les décès des personnes migrantes en mer, l’accès aux services de base pour les personnes migrantes et leur intégration dans la société civile. Ces objectifs sont donc stratégiques et touchent toutes personnes migrantes quel que soit leur statut. Ces objectifs représentent également les quatre thématiques considérées prioritaires pour le Maroc selon l’Ambassadeur permanent Omar Zniber du Royaume du Maroc à Genève [1].
Nous verrons donc dans une première partie (I) l’objectif 1 du PMM et les recommandations faites à son sujet, puis dans une deuxième partie sur (II) l’objectif 8, puis dans une troisième partie (III) l’objectif 15 et enfin (IV) l’objectif 16.
1. L’objectif 1 du PMM et ses recommandations
Pour rappel, l’objectif 1 du PMM s’intéresse à la collecte et à l’utilisation des données qui serviront à l’élaboration de politiques fondées sur la connaissance des faits migratoires et de leur flux.
La première recommandation afin de parvenir à cet objectif est de respecter la notion de pare-feu entre les différents organismes concernés. Ainsi en créant un pare-feu entre les organismes chargés de la collecte des données et les organismes chargés du service de l’immigration, cela permettrait d’aboutir à une relation de confiance entre les organismes et la population migrante. En effet, cela permettrait d’assurer que les systèmes de collecte des données soient sûrs, tout en permettant le respect du traitement des données personnelles des personnes migrantes, afin que cela ne représente pas une immixtion dangereuse dans leur vie privée.
La seconde recommandation est de dépasser la contradiction relevée au niveau du PMM. Ainsi, on est face à un dilemme entre d’une part la collecte de données « qui servira à l’élaboration de politiques fondées sur la connaissance des faits » et d’autre part, la nécessité de garantir à la fois « le droit à la vie privée » et la protection « des données personnelles » (point 17). De ce fait, la question est de savoir jusqu’à quel degré ces données ne s’immiscent pas dans la vie privée des personnes migrantes.
La troisième recommandation est de faire apparaître, dans le document de recueil de données (formulaire, …) que les informations recueillies ne serviront qu’à optimiser l’accès, entre autres, aux services de bases (santé, éducation, …) afin de « garantir le droit à la vie privée » et de « protéger les données personnelles » comme cela se fait lors d’une recherche scientifique où l’enquête par questionnaire exige de mentionner l’usage qui sera fait des données recueillies et le respect des principes scientifiques et déontologiques de l’enquête par questionnaire, sondage, observation participante (principe de confidentialité de l’identité et de préservation de l’anonymat par exemple).
La quatrième recommandation est d’intégrer dans les enquêtes nationales, telles que menées notamment par le Haut Commissariat au Plan (HCP) ou celles à venir de l’Observatoire africain des migrations inauguré le 18 décembre 2020 à Rabat, des questions relatives aux attitudes et aux représentations autour de la question migratoire et du vivre ensemble. En effet, l’analyse des données recueillies concernant la perception des citoyens envers la population migrante permettrait d’identifier les clichés, stéréotypes à déconstruire lors de sessions de formation destinées aux différents acteurs en contact avec la population migrante (professionnels de l’administration, de la santé, de l’éducation, de la justice, …) mais aussi lors des campagnes de communication, de la couverture médiatique de certains événements etc.
La cinquième recommandation tient au fait d’homogénéiser la terminologie de migrant afin de s’aligner aux standards internationaux dans le but de permettre une meilleure comparaison des données sur le plan international. En effet, il semble que même à l’échelle internationale la définition de migrant diffère selon les pays alors que le Glossaire de la Migration (OIM) est disponible en version française depuis 2007 [2].
2. L’objectif 8 du PMM et ses recommandations
Pour rappel, l’objectif 8 du PMM s’intéresse à la question des personnes migrantes disparues ou décédées en mer.
La première recommandation concerne le fait que le droit maritime considère la non-assistance à une personne en danger comme une infraction de droit commun. Ainsi, il est admis de façon générale que l’assistance en mer est l’obligation la plus fondamentale pour tout marinier. Or, dans les faits nous constatons fréquemment des refus d’assistance auprès de personnes ayant besoin de secours.
De plus, des ONG ayant porté secours à des embarcations de personnes migrantes dérivant en mer et les ayant transportées jusqu’au port le plus proche se sont retrouvées devant les tribunaux nationaux. De ce fait, il faudrait « dépénaliser » le sauvetage en mer, afin de faire respecter à la fois le droit maritime et les droits humains, notamment celui du droit à la vie.
La seconde recommandation concerne le fait d’inscrire les personnes migrantes, quel que soit leur statut, parmi les « usagers » des services de l’Administration et ce d’autant plus que la loi n°55.19 [3] et le Portail National des Procédures et des Formalités Administratives «Idarati» ont vu le jour le 21 avril 2021. En effet, les questions administratives semblent, in fine, constituer un aspect urgent et important (et donc prioritaire) à traiter car elles impactent toute la trajectoire sociale (de la naissance au décès) des personnes migrantes au même titre que celle des citoyens.
3. L’objectif 15 du PMM et ses recommandations
Pour rappel, l’objectif 15 du PMM s’intéresse à la capacité pour les personnes migrantes de pouvoir accéder aux services de base (éducation, santé, logement, justice etc.) dans les pays de destination. En effet, la population migrante notamment celle qui n’est pas encore régularisée rencontre de sérieuses difficultés dans l’accès à ces différents services de base. Ainsi, des mesures ont été prises au Maroc par les institutions, notamment par le ministère de la santé et celui de l’éducation nationale. Ces recommandations constituent en effet un progrès.
La première recommandation concerne notamment le fait de décliner toutes les mesures prises à ce jour sous différents formats de supports de communication, comme par exemple en ayant recours à des affiches, flyers etc. et de les diffuser dans des centres de santé, des écoles, des spots publicitaires, dans les médias (presse écrite, électronique, radio et TV) afin qu’un maximum d’individu y ait accès et en ait connaissance. Il est également important que les agents du Royaume, notamment les agents administratifs, personnels de santé et de l’éducation puissent exercer leurs professions en toute connaissance de cause. En rendant plus visible ces mesures, cela permet de valoriser les différentes actions menées par le pays et par les parties concernées (personnes migrantes, acteurs sur le terrain).
La seconde recommandation concerne le fait que cet accès aux services de base doit être accessible à toute personne migrante quelque soit leur statut (régularisée ou non); afin de faire respecter le principe de non-discrimination et ainsi de faire primer une égalité entre les individus.
4. L’objectif 16 du PMM et ses recommandations
Pour rappel, l’objectif 16 du PMM traite de la question de la capacité de pouvoir donner à la population migrante et aux sociétés civiles les moyens de réaliser une pleine intégration et une cohésion sociale.
Pour cela, il a notamment été recommandé d’agir sur les générations futures afin que les personnes migrantes soient pleinement acceptées et incluses dans la société civile. Le changement d’attitude attendu comme l’acceptation de la différence, la cohésion sociale… et par conséquent, les comportements qui y sont associés ne pourront être effectifs et durables qu’à partir du moment où l’imaginaire collectif intégrera la réalité migratoire comme un phénomène naturel et durable.
En effet la recommandation serait d’intégrer dans les manuels scolaires et au niveau des curriculum qui sont régulièrement mis à jour des contenus en relation avec les questions migratoires. Notamment en s’intéressant aussi bien à la diaspora marocaine résidant à l’étranger mais également aux personnes migrantes résidant au Maroc et ce, sans distinction de leur statut. Cet enseignement et son contenu seraient adaptés aux différents cycles (du primaire jusqu’au cycle secondaire).
Le produit de cet article a été réalisé par les participant.e.s de l’école d’hiver Hijra, organisé par la Clinique juridique Hijra qui s’est déroulée en ligne du 16 janvier au 3 avril 2021, comptant 17 participant.e.s.
Nous les remercions tous chaleureusement pour leurs contributions.
[1] Omar Zniber, Ambassadeur, représentant permanent du Royaume du Maroc auprès de l’Organisation Mondiale des Migrants à Genève. 27/08/2020. Disponible sur:
https://migrationnetwork.un.org/sites/default/files/docs/morocco_reflections_on_champions.pdf
[2] Glossaire de la Migration, OIM, 2007. Disponible sur: https://publications.iom.int/system/files/pdf/iml_9_fr.pdf
[3] Dossier de presse relatif à la loi n° 55.19. Disponible sur :
https://www.mmsp.gov.ma/uploads/file/DossierPresse_Loi_55-19_SimplificationProceduresFormalitesAdministratives_18012021_Fr.pdf