Indicateurs du PMM – Objectif 9: Renforcer l’action transnationale face au trafic des migrants

Article de blog écrit par Jean-Pierre Gauci et Francesca Romana Partipilo (British Institute of International and Comparative Law) et publié en anglais sur le blog Refugee Law Initiative examinant la mise en œuvre du Pacte mondial pour une migration sûre, ordonnée et régulière (PMM). Traduction réalisée par Clotilde Girard, Bastien Gattegno et Laure Hédrich (Cliniciens de la Clinique Juridique Hijra).


L’objectif 9 du Pacte Mondial pour la Migration a pour but de renforcer la réponse internationale face au trafic de migrants. Pour simplifier, le trafic de migrants est la facilitation du franchissement non autorisé d’une frontière internationale pour une rétribution financière ou autre bénéfice. Afin d’améliorer la réponse transnationale à ce crime, le PMM encourage les États à adopter une série de stratégies et d’initiatives interdépendantes visant à prévenir et à contrer le trafic illicite de migrants, tout en protégeant les droits humains des migrants passés en fraude.

Même avant l’adoption du Pacte Mondial, le trafic de migrants a fait l’objet d’une attention accrue au niveau international, et le pacte renforce effectivement les diverses dispositions du Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer complétant la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, à laquelle il sera fait référence tout au long de cet article. Le protocole a été adopté dans le cadre d’un ensemble de trois protocoles accompagnant la Convention sur la criminalité transnationale organisée. Au moment de la rédaction du présent rapport, le Protocole compte 149 États parties et 112 signataires [1].

L’engagement général de l’objectif 9 est de:

Prévenir et contrer le trafic illicite de migrants en renforçant les capacités et la coopération internationale pour prévenir, enquêter, poursuivre et sanctionner le trafic illicite de migrants afin de mettre un terme à l’impunité des réseaux de trafic illicite.

Il y a des objectifs similaires à ceux du Protocole contre le trafic illicite de migrants (PTIM) tels qu’ils sont énoncés dans son Article 2 qui définit l’objectif du Protocole incluant la prévention et la lutte contre le trafic de migrants, ainsi que la promotion de la coopération entre les Etats Parties à cette fin, tout en protégeant les droits des migrants pris dans le trafic. Il n’est donc pas surprenant que la plupart des engagements pris dans le cadre du PMM trouvent leurs équivalents dans le protocole et que, en effet, le PMM s’engage à la promotion de la ratification, de l’adhésion et de la mise en œuvre du PTIM.

L’importance accordée par le Protocole et le PMM à la coopération internationale dans la lutte contre le trafic de migrants est un aspect récurrent de l’Objectif 9 qui montre la prise de conscience, par la communauté internationale, de la nécessité de renforcer la coopération bilatérale et multilatérale afin d’échanger des informations et d’établir des stratégies effectives et durables contre le crime transnational et plus particulièrement le trafic de migrants. Nous en reparlerons plus tard dans cet article.

Le Pacte met l’accent sur la nécessité de garantir la criminalisation du trafic de migrants. De nouveau, cette idée trouve un corollaire direct dans l’Article 6 du PTIM :

« Adopter les mesures législatives et autres nécessaires pour conférer le caractère d’infraction pénale, lorsqu’ils [trafics illicites] sont commis intentionnellement, afin d’obtenir directement ou indirectement un avantage financier ou un autre avantage matériel : le trafic illicite de migrants. »

La criminalisation du trafic illicite est une condition sine qua non du PTIM.

Les migrants ne doivent pas être passibles de poursuite judiciaire pour avoir été l’objet de trafic illicite, nonobstant d’éventuelles poursuites pour la violation d’autres lois nationales.

Cette exigence fait appel à l’Article 5 du PTIM qui stipule que « les migrants ne seront pas passibles de poursuites pénales en vertu du présent Protocole pour le fait qu’ils ont fait l’objet d’un trafic illicite ».

Ce sujet est clarifié davantage dans d’autres instruments tels que le modèle de loi de l’ONUDC [2] ou le guide législatif [3]. Ce dernier note expressément que « la politique fondamentale fixée par le Protocole est que c’est le trafic illicite de migrants et non la migration elle-même qui est au centre de la criminalisation et d’autres exigences ». Cette non-criminalisation du trafic de migrants est un élément essentiel des dispositions du PTIM. Le Pacte et le Protocole ne traitent pas de la question de savoir si « l’entrée illégale » doit être criminalisée ou non, et laissent cette décision à la discrétion de chaque État.

Deux enjeux essentiels méritent d’être soulignés ici. Tout d’abord, cet aperçu des principaux instruments liés à cette exigence renforce la nécessité de distinguer clairement les migrants des passeurs et de protéger les migrants victimes de trafic de la criminalisation pour le seul fait d’être passé frauduleusement. En pratique, la distinction devient très floue. Prenons l’exemple d’un réfugié ayant une certaine expérience de la pêche qui fait appel aux services d’un passeur de Libye vers l’Europe en quête de protection. Le passeur propose un arrangement en vertu duquel une partie des frais de contrebande est supprimée si chacun pilote le bateau vers l’Europe. Des cas comme celui-ci soulèvent des questions quant à savoir si la personne concernée est un passeur ou un migrant clandestin.

Ensuite, il est important de noter que d’autre conventions et traités internationaux vont plus loin que le Pacte et le Protocole, demandant la décriminalisation de l’entrée illégale. La Convention de Genève relative au Statut de Réfugié, dans son Article 31, paragraphe 1, demande la non-criminalisation de l’entrée illégale (des réfugiés). Elle stipule que

« Les Etats contractants n’appliqueront pas de sanctions pénales, du fait de leur entrée ou de leur séjour irréguliers, aux réfugiés qui, arrivant directement du territoire où leur vie ou leur liberté était menacée au sens prévu par l’article premier, entrent ou se trouvent sur leur territoire sans autorisation, sous la réserve qu’ils se présentent sans délai aux autorités et leur exposent des raisons reconnues valables de leur entrée ou présence irrégulières ».

Le Comité de Protection des Droits de Tous les Travailleurs Migrants et Membres de leurs Familles affirme dans son commentaire général n°2 sur les droits des travailleurs migrants en situation irrégulière :

« Pour dissuader les travailleurs migrants et les membres de leur famille en situation irrégulière d’entrer ou de rester sur leur territoire, les États ont de plus en plus recours à des mesures répressives, telles que l’incrimination de la migration irrégulière, la détention administrative et l’expulsion. La criminalisation de la migration irrégulière encourage et promeut les perceptions généralisées que les travailleurs migrants et les membres de leur famille en situation irrégulière sont des personnes «illégales» de deuxième classe ou des concurrents déloyaux pour des emplois et des avantages sociaux, alimentant ainsi les discours publics contre l’immigration, la discrimination et la xénophobie. De plus, les travailleurs migrants et les membres de leur famille en situation irrégulière vivent généralement dans la crainte d’être signalés aux autorités de l’immigration par des prestataires de services publics ou d’autres fonctionnaires, ou par des particuliers, ce qui limite leur accès aux droits fondamentaux de l’Homme, ainsi que leur accès à la justice et les rend plus vulnérables au travail et à d’autres types d’exploitation et d’abus. »

Le groupe de travail des Nations Unis sur la détention arbitraire a statué que : « la criminalisation de l’entrée illégale dans un pays excède l’intérêt légitime des Etats à contrôler et réguler la migration irrégulière par un détention non nécessaire. »[4]

En outre, dans sa déclaration de 2013 intitulée “Intégrer une approche de la migration fondée sur les droits de l’Homme dans le dialogue de haut niveau” [5], le Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits de l’Homme des migrants a déclaré que

« bien que cela puisse constituer une infraction administrative, la migration irrégulière n’est pas un crime. Les migrants en situation irrégulière ne sont pas des criminels en soi et ne devraient pas être traités comme tels ».En outre, le Rapporteur spécial a souligné qu‘ « une entrée ou un séjour irréguliers ne devraient jamais être considérés comme des infractions pénales : ils ne constituent pas en soi des crimes contre la personne, les biens ou la sécurité nationale. »

Identifier les migrants victimes de trafic pour protéger leurs droits de l’Homme, prendre en considération les besoins spécifiques des femmes et des enfants et assister en particulier ceux qui sont victimes de trafic avec circonstances aggravantes.

Les migrants victimes de trafic peuvent être vulnérables et font souvent face à la violence et aux abus, particulièrement du fait des passeurs. Ainsi, l’Article 6 du PTIM envisage, comme circonstances aggravantes les circonstances qui : a) mettent ou risquent de mettre en danger la vie ou la sécurité des migrants concernés ; ou b) qui impliquent un traitement inhumain ou dégradant, y compris pour l’exploitation de ces migrants. Par conséquent, les droits menacés semblent être le droit à la vie (articles 6 du PIDCP et 2 de la CEDH), le droit à la liberté individuelle, le droit de ne pas être soumis à la torture et à d’autres traitements inhumains ou dégradants (article 4 de la CAT et article 3 de la CEDH).

Cet engagement trouve des obligations parallèles dans le PTIM et dans la Convention sur les Droits des Travailleurs Migrants et les membres de leurs familles. L’article 16 (1) du PTIM exige des Etats qu’ils prennent toutes les mesures appropriées, en adéquation avec leurs obligations internationales, pour protéger le droit à la vie des migrants victimes de trafic et de ne pas les soumettre à la torture ou autre traitement ou punition cruels, inhumains et dégradants. De plus, le paragraphe 2 de la même disposition oblige les Etats à « prendre les mesures adéquates pour proposer aux migrants une protection adaptée contre la violence qu’ils sont susceptibles de subir, du fait d’individus ou de groupes, du fait d’avoir été victime de trafic. » Le contenu d’une telle mesure dépendra de l’approche au cas par cas et des circonstances spécifiques de chaque cas.

De même, la Convention sur les Travailleurs Migrants, dans son article 16, souligne que

« les travailleurs migrants et les membres de leurs familles doivent avoir droit à une protection effective de l’Etat contre la violence, les blessures physiques, les menaces et intimidations, qu’elles proviennent d’autorités publiques ou d’individus, groupes ou institutions privés. »

En outre, la Convention sur la criminalité transnationale exige, dans son article 25 relatif à l’« Assistance aux victimes et à leur protection », que

« Chaque État partie prend, dans la mesure de ses moyens, les mesures appropriées pour fournir assistance et protection aux victimes des infractions visées par la présente Convention, en particulier dans les cas de menace de représailles ou d’intimidation. »

Il est clair que l’identification des migrants constitue la première étape de leur protection. À cet égard, la Convention sur les travailleurs migrants stipule que

« Toute vérification de l’identité des travailleurs migrants ou des membres de leur famille par des agents de la force publique sera effectuée conformément à la procédure établie par la loi. »

En ce qui concerne les besoins des femmes, la recommandation générale n ° 26 du Comité de la CEDAW sur les travailleuses migrantes a souligné que « toutes les travailleuses migrantes ont droit à la protection de leurs droits fondamentaux, notamment le droit à la vie, le droit à la liberté et à la sécurité personnelle, le droit de ne pas être torturée, le droit de ne pas être soumise à des traitements dégradants et inhumains,  de ne pas subir de discrimination fondée sur le sexe, la race, l’appartenance ethnique, les particularités culturelles, la nationalité, la langue, la religion ou un autre statut, le droit de ne pas être soumise à la pauvreté, le droit à un niveau de vie décent, le droit à l’égalité devant la loi et le droit de bénéficier des garanties de la loi. Ces droits sont énoncés dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme et dans les nombreux traités relatifs aux Droits de l’Homme ratifiés ou auxquels les États Membres de l’ONU ont adhéré. »

Une composante importante de la protection des migrants victimes de trafic est incarnée par l’interdiction fondamentale du refoulement. Cette interdiction est incluse dans l’Article 33 de la Convention de Genève pour les réfugiés, dans l’Article 3 de la Convention contre la Torture, dans l’Article 3 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme et dans les Articles 4 et 19 de la Charte des Droits Fondamentaux de l’UE. De plus, l’Article II (3) de la Convention relative aux aspects spécifiques des problèmes des réfugiés en Afrique de l’Union Africaine statue que :

« Aucune personne ne peut être soumise par un État membre à des mesures telles que le rejet à la frontière, le retour ou l’expulsion, qui l’obligerait à revenir ou à rester sur un territoire où sa vie, son intégrité physique ou sa liberté seraient menacées. »

Dans le contexte Américain, l’Article 22 (8) de la Convention Américaine des Droits de l’Homme de 1969 expose que :

« en aucun cas un étranger ne peut être déporté ou renvoyé dans un pays si dans ce pays son droit à la vie ou à sa liberté individuelle risquent d’être violés en raison de sa race, de sa nationalité, de sa religion, de son statut social ou de ses opinions politiques. »

L’étendue de ces obligations a été confirmée par la Cour européenne des droits de l’Homme (voir par exemple Hirsi Jamaa et autres c. Italie) et la Cour interaméricaine des droits de l’Homme (voir par exemple : Pacheco Tineo Family c. Bolivie). Le IACHR avis consultatif de 24.8.2014 sur les droits et garanties des enfants dans le contexte de la migration : le tribunal déclare que le terme « étranger » doit être compris comme toute personne, englobant ainsi tous les non-ressortissants.

À cet égard, l’Observation générale commune n ° 3 (2017) susmentionnée du Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et le n ° 22 (2017) du Comité des droits de l’enfant stipule que : « Les États parties devraient respecter les obligations de non-refoulement découlant du droit international relatif aux droits de l’homme, du droit international humanitaire et du droit international des réfugiés ainsi que du droit international coutumier. »

Les comités soulignent en outre que « Les États ne doivent pas rejeter un enfant à une frontière ni le renvoyer dans un pays où il existe des motifs sérieux de croire qu’il ou elle risque réellement de subir un préjudice irréparable. »

Enfin, les comités soulignent que « L’article 22 de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et d’autres instruments internationaux et régionaux relatifs aux droits de l’homme interdisent les expulsions collectives. »

Ces expulsions collectives sont également interdites par d’autres instruments relatifs aux droits de l’Homme, notamment l’article 4 du protocole n ° 4 à la Convention européenne des droits de l’Homme, l’article 19 (1) de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, l’article 7 du projet d’articles sur l’expulsion des étrangers. Le Comité des droits de l’Homme a déclaré, à propos de l’article 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, que « Les États parties ne doivent pas exposer des personnes à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants lors de leur retour dans un autre pays par le biais de leur extradition, de leur expulsion ou de leur refoulement »[6].

Utiliser des mécanismes transnationaux, régionaux et bilatéraux pour partager des informations et des renseignements pertinents sur les itinéraires de contrebande, les modes opératoires et les transactions financières des réseaux de contrebande, les vulnérabilités des migrants passés en fraude et d’autres données pour démanteler les réseaux de contrebande et améliorer les réponses communes. 

La coopération transnationale est cruciale pour démanteler les réseaux de passeurs et fournir la protection nécessaire aux migrants victimes de trafic. La promotion de la coopération internationale est un objectif clé du PTIM. L’article 7 du protocole prévoit que

« Les États parties coopèrent dans toute la mesure du possible pour prévenir et réprimer le trafic illicite de migrants par voie maritime, conformément au droit international de la mer. »

De plus, l’article 10 stipule que « Les États Parties, en particulier ceux qui ont des frontières communes ou qui se trouvent sur des routes empruntées par le trafic de migrants, échangent entre eux, conformément à leurs systèmes juridique et administratif respectifs, les informations nécessaires à la réalisation des objectifs du présent Protocole sur une série de questions telles que les points d’embarquement et de destination, ainsi que les itinéraires; l’identité et les méthodes d’organisations ou de groupes criminels organisés; moyens et méthodes de dissimulation et de transport de personnes; informations scientifiques et technologiques utiles aux forces de l’ordre.»

De plus, l’article 14 du PTIM explique que « Les États parties se doivent de coopérer entre eux et avec les organisations internationales compétentes, les organisations non gouvernementales, les autres organisations compétentes et les autres éléments de la société civile, selon le cas, pour assurer la formation adéquate du personnel sur leur territoire afin de prévenir, combattre et éliminer [le trafic illicite de migrants]. »

Il est ainsi clair que le PMM et les autres instruments analysés insistent lourdement sur la nécessité de renforcer la coopération internationale dans la lutte contre le trafic de migrants.

Comme exemples pratiques des mécanismes transnationaux de lutte contre le trafic illicite, il convient de mentionner l’action mondiale contre la traite des personnes et le trafic illicite de migrants, une initiative quadriennale de l’UE et de l’UNODC, mise en œuvre en partenariat avec l’UNICEF dans treize pays d’Afrique, Asie, Europe de l’Est et Amérique latine. En outre, le Processus de Bali sur le trafic illicite de personnes, la traite des êtres humains et la criminalité transnationale connexe, co-présidé par l’Indonésie et l’Australie, compte 49 membres (dont le HCR, l’OIM, l’UNODC et l’OIT) et vise à lutter contre le trafic illicite et la traite des êtres humains et crimes connexes. Le pacte de Saint-Domingue et le mécanisme SICA-UNODC sont une initiative interrégionale pour l’Amérique centrale et les Caraïbes visant à aider les États Membres à prévenir et combattre la criminalité transnationale grave et organisée, y compris le trafic illicite. Enfin, les organisations internationales s’emploient également à renforcer les initiatives bilatérales de lutte contre le trafic illicite, comme en témoigne l’initiative de lutte contre le trafic de migrants lancée par l’ONUDC et l’OIM en mars 2018 par les deux organisations.

Élaborer des protocoles de coopération tenant compte de la problématique de genre et tenant compte des enfants le long des routes migratoires, qui définissent des mesures étape par étape pour identifier et aider de manière adéquate les migrants faisant l’objet d’un trafic.

Le PMM accorde beaucoup d’importance à la nécessité d’adresser les besoins spécifiques des femmes et des enfants. Des exigences similaires peuvent être retrouvées dans les instruments internationaux. Par exemple, la Convention sur les Droits de l’Enfance statue, dans l’Article 3 que

« dans toutes les actions concernant des enfants, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être la première considération. »

Ainsi, en développant des protocoles de collaboration le long des routes migratoires, les États doivent toujours s’assurer de l’intérêt de l’enfant et de la protection de ses droits. A ce sujet, l’Objectif 9 trouve confirmation dans le Commentaire Général n°6 (2006) au sujet du traitement des enfants non accompagnés ou séparés de leurs parents en dehors de leur pays d’origine, qui souligne que, dans le cas d’un enfant déplacé, le principe de son intérêt supérieur doit être respecté à chaque étape de son cycle de déplacement. Le commentaire général ajoute que « l’intérêt supérieur de l’enfant doit également être un principe directeur pour déterminer la priorité des besoins de protection et la chronologie des mesures à appliquer en ce qui concerne les enfants non accompagnés et séparés. »

De plus, en ce qui concerne les besoins des enfants, l’observation générale commune n ° 3 (2017) du Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et n ° 22 (2017) du Comité sur les droits de l’enfant relatifs aux principes généraux des droits de l’homme des enfants dans le contexte des migrations internationales souligne que

« Les États devraient veiller à ce que les enfants dans le contexte de la migration internationale soient traités avant tout comme des enfants. Les États parties aux conventions sont tenus de respecter les obligations qui leur incombent en matière de respect, de protection et de réalisation des droits des enfants dans le contexte des migrations internationales »

Il est ajouté que « les Etats parties doivent développer des politiques de réalisation des droits de tous les enfants dans le contexte de la migration internationale, en particulier en ce qui concerne les objectifs de gestion de la migration et autres considérations administratives ou politiques ».

L’observation générale commune n ° 4 (2017) du Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et  n ° 23 (2017) du Comité des droits de l’enfant sur les obligations de l’État en matière de droits de l’homme des enfants dans le contexte des migrations internationales dans les pays d’origine, de transit, de destination et de retour réaffirme « la nécessité de traiter les migrations internationales par le biais de la coopération et du dialogue aux niveaux international, régional ou bilatéral, ainsi que par une approche globale et équilibrée reconnaissant les rôles et les responsabilités des pays d’origine, de transit, de destination et de retour dans la promotion et la protection des droits fondamentaux des enfants dans le contexte des migrations internationales, de manière à assurer une migration sûre, ordonnée et régulière, dans le plein respect des droits de l’Homme et en évitant les approches susceptibles d’aggraver leur vulnérabilité. »

En outre, l’observation générale commune soulignait que « les enfants dans le contexte de la migration internationale, en particulier ceux qui sont sans papiers, apatrides, non accompagnés ou séparés de leur famille, sont particulièrement vulnérables, tout au long du processus migratoire, à différentes formes de violence, notamment la négligence, les abus, les enlèvements, et les extorsions, la traite, l’exploitation sexuelle, l’exploitation économique, le travail des enfants, la mendicité ou l’implication dans des activités criminelles ou illégales, dans les pays d’origine, de transit, de destination et de retour. Ces enfants risquent de subir des violences de la part d’acteurs étatiques ou non étatiques ou d’assister à des violences à l’encontre de leurs parents ou d’autrui, en particulier lors de voyages ou de séjours irréguliers. »

L’observation générale commune n ° 3 (2017) du Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et n ° 22 (2017) du Comité des droits de l’enfant sur les principes généraux relatifs à la les droits des enfants dans le contexte de la migration internationale souligne qu’une interprétation complète des conventions devrait inciter les États parties à développer leur coopération bilatérale, régionale et mondiale afin de garantir les droits de tous les enfants dans le contexte des migrations internationales.

Plus loin, le même commentaire général reconnaît que

“l’importance de la coordination entre les pays d’origine, de transit, de destination et de retour, et leurs rôles et responsabilités pour répondre aux besoins de l’enfant dans le contexte de migration internationale et pour sauvegarder leurs droits, avec l’intérêt supérieur de l’enfant comme première considération ».

Pour finir, les comités réaffirment que, « dans tous les accords de coopération internationale, régionale ou bilatérale sur la gestion des frontières et la gouvernance de la migration, l’impact de ces initiatives sur les droits des enfants doit être considéré et les adaptations entreprises si nécessaires pour préserver les droits de l’enfant. »

Faciliter la coopération transfrontalière entre les services de détection et de répression et le renseignement afin de prévenir et de combattre le trafic illicite de migrants dans le but de mettre fin à l’impunité des passeurs et de prévenir la migration irrégulière, tout en veillant à ce que les mesures de lutte contre le trafic illicite respectent pleinement les droits de l’Homme.

En ce qui concerne l’entraide judiciaire, l’article 18 de la Convention contre la criminalité transnationale organisée (en vertu de laquelle le protocole a été élaboré et adopté) prévoit que

« Les États parties s’accordent sur l’entraide judiciaire la plus large possible lors des enquêtes, poursuites et procédures judiciaires concernant les infractions visées par la Convention. »

En ce qui concerne les enquêtes conjointes, l’article 19 de la convention précise que « Les États parties envisagent de conclure des accords ou arrangements bilatéraux ou multilatéraux aux termes desquels, en ce qui concerne les affaires qui font l’objet d’enquêtes, de poursuites ou de procédures judiciaires dans un ou plusieurs États, les autorités compétentes concernées peuvent créer des organes communs d’enquête. En l’absence de tels accords ou arrangements, des enquêtes conjointes peuvent être entreprises d’un commun accord, au cas par cas. »

Enfin, en ce qui concerne les opérations de maintien de l’ordre, l’article 27 de la Convention contre la criminalité transnationale organisée déclare que : « Les États parties coopèrent étroitement, dans le respect de leurs systèmes juridique et administratif respectifs, afin de renforcer l’efficacité des mesures de répression prises pour lutter contre les infractions visées par la présente Convention. Chaque État Partie adopte notamment des mesures efficaces pour: a) Améliorer et, le cas échéant, établir des voies de communication entre leurs autorités, agences et services compétents, afin de faciliter l’échange sûr et rapide d’informations concernant tous les aspects des infractions visées par la présente Convention, y compris, si les États parties concernés le jugent approprié, des liens avec d’autres activités criminelles; b) De coopérer avec les autres États parties pour mener des enquêtes sur les infractions visées par la présente Convention; c) Faciliter une coordination efficace entre leurs autorités, agences et services compétents et promouvoir l’échange de personnel et d’experts, y compris, sous réserve d’accords ou d’arrangements bilatéraux entre les États parties concernés, le détachement d’officiers de liaison; d) Échanger des informations avec d’autres États parties sur les moyens et méthodes spécifiques utilisés par les groupes criminels organisés, y compris, le cas échéant, les itinéraires et les moyens de transport et l’utilisation de fausses identités, de documents altérés ou faux ou d’autres moyens de dissimulation de leurs activités. »

Adopter les mesures législatives et autres mesures nécessaires pour ériger en infraction pénale le trafic illicite de migrants, lorsqu’il est commis intentionnellement et dans le but d’obtenir, directement ou indirectement, un avantage financier ou un autre avantage matériel pour le passeur, et prévoir des sanctions renforcées pour le trafic illicite de migrants dans des circonstances aggravantes, conformément au droit international

L’Article 6 du PTIM souligne que chaque Etat partie se doit d’adopter les mesures législatives et les autres mesures nécessaires pour établir le trafic de migrants comme infraction pénale lorsqu’il est commis intentionnellement et dans le but d’obtenir, directement ou indirectement, un bénéfice financier ou un avantage matériel. La référence aux avantages financiers ou autres avantages matériels est de la plus haute importance car elle souligne que seules les activités de groupes criminels organisés agissant dans un but lucratif doivent être criminalisées, tandis que les activités de personnes fournissant un soutien aux migrants pour des raisons humanitaires ou sur la base de liens familiaux ne doivent pas être criminalisées.

De plus, l’article 6 (3) du Protocole contre le trafic illicite souligne que

« Chaque État Partie adopte les mesures législatives et autres mesures nécessaires pour établir comme circonstances aggravantes aux infractions établies conformément au présent article, des circonstances qui menacent ou risquent de menacer la vie ou la sécurité des migrants concernés, ou qui impliquent un traitement inhumain ou dégradant, y compris l’exploitation de ces migrants. »

Par exemple, parmi les comportements susceptibles de mettre en danger la vie et la sécurité des migrants, citons le transport à bord de navires non navigables présentant un risque important de noyade ou encore l’abandon dans le désert ou en mer. Le Protocole laisse également les États parties libres d’inclure des circonstances aggravantes supplémentaires dans leur législation.

Conformément à la loi type de l’UNODC contre le trafic illicite de migrants, « le traitement est inhumain là où il a été prémédité, appliqué sur le temps long et a causé soit une blessure physique réelle, soit une souffrance physique et mentale intense. »

À cet égard, les dispositions de la Convention contre la torture, de la Déclaration universelle des droits de l’homme, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et d’autres constituent également des points de référence utiles.

Concevoir, réviser ou modifier les politiques et procédures pertinentes afin de faire la distinction entre les infractions de trafic illicite de migrants et de traite des personnes en utilisant les définitions correctes et en appliquant des réponses distinctes à ces crimes distincts, tout en reconnaissant que les migrants faisant l’objet d’un trafic peuvent également devenir victimes de la traite des êtres humains, donc nécessitant une protection et une assistance appropriées.

Le droit international distingue clairement le crime du trafic de migrants et celui de la traite des êtres humains. La clé de cette distinction réside dans les définitions de ces crimes établies dans l’Article 3 du PTIM et l’Article 3 du Protocole contre la traite. Bien que chacun de ces éléments puissent être problématisés et questionnés, un certain nombre de différences clés existent entre ces crimes, relatives à la question du consentement, la nécessité de transnationalité et la question du statut de victime.

Il doit cependant être noté que dans la pratique, la distinction entre trafic et traite peut être floue et que bien souvent les trafiquants utilisent les services de passeurs et des situations de trafic peuvent évoluer vers de la traite. La reconnaissance de cette réalité dans le texte du PMM représente une avancée majeure.

Prendre des mesures pour prévenir le trafic de migrants tout au long du cycle migratoire en partenariat avec les autres Etats et les parties prenantes pertinentes, incluant la coopération dans les domaines du développement, de l’information publique, de la justice, mais aussi de la formation et du renforcement de capacités techniques, en portant une attention particulière aux aires géographiques d’où la migration irrégulière provient systématiquement.

La prévention du trafic de migrants est le but essentiel du PTIM. Il contient une section sur la prévention, la coopération et autres mesures couvrant les thèmes du partage d’informations, principalement entre les Etats voisins, les mesures aux frontières, la sécurité et le contrôle des documents. L’Article 14 se concentre sur « la formation et la coopération technique » et envisage que

« Les Etats parties se doivent de fournir ou de renforcer une formation spécialisée pour les autorités de la migration et d’autres organes compétents sur le thème de la prévention du trafic et des traitements inhumains des migrants qui ont été l’objet de trafic. »

Qui plus est, la disposition envisage que les Etats coopèrent les uns avec les autres et avec les organisations internationales compétentes, les ONG, et autres organisations et membres de la société civile pertinents, afin de garantir un entraînement adéquat du personnel sur leurs territoires pour prévenir, combattre et éradiquer le trafic de migrants.

De plus, l’Article 15 du Protocole exige des Etats parties, la prise de mesures visant à renforcer les programmes d’information pour augmenter la prise de conscience populaire sur le thème du trafic et des sérieux dangers qu’il représente pour les migrants concernés. Qui plus est, la disposition exige des Etats parties de coopérer dans le champ de l’information publique dans le but d’empêcher les migrants de devenir des victimes des groupes criminels organisés. Pour finir, cet Article exige de chaque Etat une promotion ou un renforcement des programmes de développement et de la coopération aux niveaux national, régional et international, afin de combattre par la racine les causes socio-économiques du trafic de migrants, telles que la pauvreté et le sous-développement.

Conclusion

En conclusion, il est essentiel de noter que bien que le PMM ne soit pas en lui-même légalement contraignant, les parallèles présentés ci-dessus entre les engagements du PMM et les obligations du PTIM, ainsi que d’autres instruments contraignants, reflètent une nature contraignante des obligations et par là même renforcent les exigences du PMM. Il est aussi important de noter, que tous les Etats, à l’exception d’un (Israël), qui ont refusé le PMM sont des Etats membres du PTIM, et de ce fait, au moins sur ce sujet, sont contraints aux mêmes exigences que les signataires.


[1] https://treaties.un.org/Pages/ViewDetails.aspx?src=IND&mtdsg_no=XVIII-12-b&chapter=18&lang=en

[2] Loi type contre le trafic illicite de migrants, UNODC (2010).

[3] Guides législatifs pour la mise en œuvre de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et son protocole.

[4] A/HRC/7/4 du 10 janvier 2008, par. 53.

[5] Mainstreaming a human rights-based approach to migration within the High Level Dialogue”, Déclaration du Rapporteur spéciale des Nations Unis pour les droits de l’Homme des migrants François Crépeau, PGA Session plénière – criminalisation des migrants, New York, 2 Octobre 2013.

[6] Commentaire Général 20/44 du 3 Avril 1992, para 9