Indicateurs du PMM – Objectif 6: Faciliter un recrutement juste et éthique, ainsi que des mesures protectrices pour assurer l’accès à un travail décent

Article de blog écrit par Jean-Baptiste Farcy (Docteur en sciences juridiques, UCLouvain, Belgique) et publié en anglais sur le blog du Refugee Law Initiative examinant la mise en œuvre du Pacte mondial pour une migration sûre, ordonnée et régulière (PMM). Traduction réalisée par Louisa Savinel, Emmanuelle Daerys et Elinor Dinkin (Cliniciennes de la Clinique Juridique Hijra).


Le but de l’objectif 6 est d’assurer l’accès à un travail décent pour les migrants. Cela suppose de mettre en place des actions pour protéger ceux-ci de toute forme d’exploitation, pour améliorer les mécanismes de recrutement ainsi que les systèmes d’admission afin de garantir qu’ils soient justes et éthiques. L’objectif est de mieux protéger les migrants dans leur environnement de travail et de maximiser l’impact socio-économique des migrants aussi bien dans leur pays d’origine que d’accueil, répondant ainsi au schéma du « triple-win ».

Partant de ce qui est prévu dans le Pacte, cet article identifie des indicateurs qui permettront de mesurer la mise en œuvre effective de l’objectif 6.

1. A travail égal, salaire égal (convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, article 25 ; PIDESC, article 7 ; CEDEF, article 11(1), Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, article 5)

Tout travailleur a droit au même salaire pour la même position. Le principe d’égalité et de non-discrimination interdit les différences de traitement basés sur le sexe, la race, la nationalité ou son statut de migration. Cela signifie que les travailleurs migrants ont droit à des jours de congés, aux paiements d’heures supplémentaires, et à des jours de repos dans la semaine, et ce au même titre que les autres individus. Le principe d’égalité doit être inscrit dans un texte de loi national. Pour s’assurer de son effectivité, les employeurs doivent être sanctionnés s’ils emploient des migrants dans des conditions défavorables comparativement à d’autres employés, et des mécanismes de plaintes doivent aussi être mis en place.

2. Interdire la confiscation de documents de voyage ou d’identité (convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, article 21, PIDCP, article 12(2))

La confiscation de documents de voyage ou de documents d’identité a un impact significatif sur la liberté de mouvement des migrants, et constitue un obstacle à la possibilité pour les migrants de quitter leur emploi. En conséquence, le risque d’abus et d’exploitation augmente considérablement. L’interdiction de la détention des documents d’identité doit s’appliquer à tous, notamment aux employés et aux agences de recrutement, et ce excepté pour les agents de l’Etat ayant une autorisation légale.

En cas de confiscation, les migrants peuvent en effet être suspectés de rester sur le territoire illégalement et en conséquence être interdits de quitter le pays de résidence. Or d’après le droit international des droits de l’homme, le droit de quitter un pays inclus aussi le droit de quitter un pays dont l’individu n’est pas ressortissant. Pour les mêmes raisons, le fait d’obliger les travailleurs migrants à obtenir un permis de sortie de la part de leur employeur devrait être illégal. Les inspecteurs et inspectrices du travail devraient donc surveiller les confiscations de passeport, et les employeurs ou les agences de recrutement devraient en être tenus responsables le cas échéant.

3. Faciliter la possibilité de changer de travail et d’employeur (convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, article 52)

Afin d’éviter toute situation d’abus, les travailleurs migrants, y compris les migrants de passage, doivent pouvoir choisir librement leur travail. Cela signifie qu’un permis de résidence ne doit pas être lié à un travail défini, du moins pas après une période prévue par la loi. La convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille fixe la limite à deux ans de résidence dans le pays d’accueil. Dès lors qu’il est accepté que le travailleur migrant puisse changer de travail, cela signifie qu’il sera moins enclin à accepter des conditions de travail injustes. De plus, un changement de travail ne devrait pas entraîner la perte du permis de résidence.

Dans le cas où un employeur ne respecterait pas le code du travail et les exigences en matière de sécurité sociale, il devrait être sanctionné au titre des lois nationales. Si un contrat de travail est rompu au regard de la loi, le travailleur migrant ne doit pas perdre ni son permis de travail ni son permis de résidence en raison d’une faute ou d’un manquement de l’employeur.

4. L’établissement de pares-feux

Le principe de pare-feu suppose une séparation entre les activités mise en place dans le cadre de la réglementation migratoire et celles reliées aux services publics. En vertu de l’Objectif 6, des pare-feux entre les services d’inspection du travail et les autorités responsables du service d’immigration est d’une importance capitale afin de lutter contre l’exploitation au travail et contre des conditions de travail injustes. L’établissement de pare-feux est important afin d’encourager les travailleurs migrants à prétendre à la protection de leurs droits fondamentaux. Cela rendrait les mécanismes de plainte plus effectifs, et en conséquence les pare-feux pourraient assurer un accès effectif des personnes les plus vulnérables à leurs droits.

Conclusion

Le Pacte invite donc au respect de l’égalité entre les travailleurs migrants et travailleurs nationaux au niveau des conditions de travail et du droit au travail, ainsi qu’à l’application de normes de travail décentes en renforçant les compétences des inspecteurs du travail. Au-delà de la ratification des normes de droit international, les Etats doivent être efficient et engagés dans la lutte contre l’exploitation au travail et contre des conditions de travail injustes. Un système de plainte ne peut être effectif que seulement si des garanties existent, comme des permis de travail plus flexibles ou des pares-feux entre les autorités en charge de l’immigration et les services d’inspection du travail.