La situation des migrants subsahariens au Maroc à l’ère du Covid19

Par Khalid Ouadirrou – Clinicien CJH

La chaîne associative régionale “IZARFAN” en partenariat avec l’instance des jeunes avocats de Lokhmisat” a organisé le 19 mai une conférence web portant sur le thème “Migrants subsahariens et les lois de l’immigration et d’asile au Maroc en période de confinement”. Après la présentation du sujet de la conférence par Mr Hassan LEHROUK, et par Mr Lekbir LMESEGEM, avocat à l’instance de Rabat et également expert aux affaires migratoires et ses lois. Ce dernier a énuméré les deux axes principaux de son intervention : les lois d’immigration et d’asile (I), ainsi que l’impact du confinement sur les migrants subsahariens et les demandeurs d’asile au Maroc (II). 

I. Le premier axe : les lois d’immigration et d’asile au Maroc.

     Au début de son intervention Mr Lekbir a expliqué en détail la différence  entre un migrant et un réfugié sous le prisme juridique des dispositions de la loi actuelle.

     Le migrant correspond à toute personne changeant de pays de résidence et  résidant dans un pays dont il  ne possède pas la nationalité. Tandis que le réfugié est un statut juridique distinct  qui octroie des droits par la force de la loi, et notamment par la convention de Genève de 1951 pour la protection des réfugiés qui garantit des droits fondamentaux tels que la liberté de circulation, l’accès à la santé et à l’éducation. L’avocat a ensuite précisé les cinq raisons justifiant  l’octroi du statut de réfugié selon la même convention, comme l’existence de l’élément de persécution tant pour des raisons sexuelles, religieuses ou raciales, tout en précisant que cette persécution doit comporter d’un point de vue juridique une technique devant être  méthodique et répétitive, suffisamment justifiée et surtout approuvée  par les rapports internationaux et ceux des ONG.

     Ensuite, Mr Lmesekem a montré que les effets juridiques du statut de réfugié par rapport à celui  d’un migrant ne sont pas les mêmes. 

     En effet, le réfugié, malgré sa résidence irrégulière ne peut être refoulé ou rapatrié et ce même s’il a été objet d’une plainte dans son pays d’origine,  que ce soit un délit ou même un crime selon les articles 31, 32, 33 de la Convention de Genève. Cette dernière insiste sur le principe de non refoulement même si le réfugié se trouve aux frontières maritimes contrairement au migrant qui lui pourrait être sujet d’un refoulement.

1. Le Décret n°57

     En outre, il a parlé  du décret marocain n°57 qui a déterminé la manière dont la Convention de Genève  est appliquée par le Bureau des réfugiés et des apatrides (BRA) dont  l’article 1 du décret fait référence à l’obligation de protéger les réfugiés sous la supervision du ministère des affaires extérieures en coordination avec l’UNHCR comme il  en est mentionné dans l’article 2. 

     Le décret n°57 reconnaît clairement le droit d’asile et l’obtention du statut de réfugié, mais l’État Marocain conserve son pouvoir souverain d’accorder ou non ce statut  aux demandeurs d’asile. De plus, l’expert aux droits d’immigration et d’asile a dévoilé les limites de ce décret. Par exemple, s’il délivre le statut de réfugié, il interdit en même temps le droit de circulation de ce dernier, cette situation  nécessite alors – selon Mr Lemsekem – de lancer le débat sur un nouveau projet de loi d’immigration et d’asile au Maroc.

2. Le trou noir dans la loi 02.03

     Au niveau administratif, la loi 02.03 réglemente l’entrée des étrangers au Maroc en respectant certaines limites. La courte durée de 48 heures après la décision de refus prise par le tribunal, le refus de résidence  pour le recours d’appel avant le rapatriement,  l’exception des juges d’urgence pour traiter de tel cas, et l’absence de réel centre d’accueil digne en attendant la décision définitive des autorités compétentes rendent la situation des étrangers de plus en plus compliquée en les privant notamment de toute possibilité de résolution juridique de leur situation. Et ceci malgré l’interdiction de rapatriement des femmes enceintes et des mineurs dans l’article 29. Cependant, au niveau pénal la même loi dans l’article 42 sanctionne avec une amende quiconque tente de franchir la frontière marocaine sous l’accusation de “résidence illégale”. Selon la même source, il ajoute un autre exemple qui concerne la reconnaissance de l’acte de naissance par la condition que cet acte doit être signé par un médecin légiste, et la même loi exige deux conditions pour la reconnaissance du mariage mixte dans sa résidence à savoir “la nationalité marocaine” et ” la confession à l’islam”.

II. Le deuxième axe – le confinement et son impact sur les immigrés et les demandeurs d’asile  

     À la fin de son discours, Mr Lemsekem a mis l’accent sur les difficultés que  les migrants et les réfugiés vivent au Maroc suite à la prise de décision du confinement sanitaire. Déjà en situation de vulnérabilité socio-économique,  les lacunes  du  Code du travail ainsi que  le travail dans le secteur informel étant les principaux éléments fragilisant leur situation en cette période. L’incapacité de payer le loyer, la délivrance d’une unique autorisation à une seule et même personne pour sortir faire les courses alors qu’ils vivent souvent en groupes dans la même maison sont autant de problèmes à résoudre. 

     La problématique des mères célibataires, et l’insuffisance des aides données par l’UNHCR sont autant de facteurs négatifs qui compliquent leur situation alors que certaines arrestations de migrants subsahariens ont été déclarées par les autorités marocaines. Tous saluent les efforts et les initiatives de la société civile qui a tendu la main à cette population vulnérable durant le confinement à Nador principalement mais aussi à Tanger, Casablanca et Rabat souligne Mr lemsekem.