Indicateurs du PMM – Objectif 4: Veiller à ce que tous les migrants disposent d’une preuve d’identité légale et de documents adéquats

Article de blog écrit par Sandra Mantu (professeure assistante, Radboud University, Netherlands) et publié en anglais sur le blog du Refugee Law Initiative examinant la mise en œuvre du Pacte mondiale pour une migration sûre, ordonnée et régulière (PMM). Traduction réalisée par Emmanuelle Daerys, Clotilde Girard et Thomas Lautrou-Cabasson (Cliniciens de la Clinique Juridique Hijra).


L’objectif 4 exprime l’engagement des Etats à fournir à tous les migrants des preuves de leur identité légale et de documents adéquats comme moyen d’assurer des procédures migratoires efficaces, une prestation de services efficiente, et une meilleure sécurité publique.

Basée sur le texte accompagnant l’objectif 4, sa réalisation repose principalement sur les critères de la nationalité, même si les Etats en général doivent donner aux migrants une documentation adéquate et des documents d’état civil de façon à les habiliter à exercer leurs droits fondamentaux. La réalisation de cet objectif se décompose en 7 actions distinctes qui visent à améliorer les systèmes, les registres civils, l’harmonisation des documents de voyages, l’accès aux services et la documentation consulaires, la réduction de l’apatridie ainsi que l’assurance que la délivrance de services n’est pas impactée par l’absence de preuves d’identité légale ou de preuve de nationalité, par l’introduction d’alternatives aux documents-type certifiant de l’identité et de la nationalité. S’appuyant sur ces diverses actions prévues dans le cadre du Pacte Mondial, cet article aborde 5 thèmes basés sur des indicateurs qui aident à mesurer l’implantation de cet objectif 4.

 

1. « Chacun a le droit à la reconnaissance en tous lieux de sa personnalité juridique. » article 6 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (DUDH) de 1949

La notion d’identité légale n’étant pas définie par le Pacte, selon le texte accompagnant l’Objectif 4, il peut être considéré que cette notion se réfère aux documents certifiant de la nationalité d’une personne, tels que les documents d’état civil comme les actes de naissance, mariage ou certificats de décès, mais aussi aux documents de voyage comme les visas. Le point de départ de la réflexion sur la mise en œuvre de l’Objectif 4 est la CUDH qui contient deux articles pertinents pour comprendre les obligations des Etats concernant l’identité légale et à la nationalité. L’article 6 stipule que « chacun a le droit à la reconnaissance de sa personnalité juridique devant la loi ». L’article 6 est vu comme s’appliquant à l’ensemble des droits de l’homme garantis par la DUDH au vu de son importance en tant que clef d’accès à d’autres droits. Les Etats ont l’obligation de mettre en place un système de reconnaissance de l’identité légal en faveur des nationaux mais aussi des migrants, réfugiés etc. Cela peut être fait par l’établissement d’un système d’enregistrement des populations. En tant qu’indicateur du respect par les États de leurs obligations en matière de fourniture d’outils permettant d’établir leur identité juridique, un tel système devrait, conformément à l’article 2 de la DUDH, prévenir, par exemple, l’effacement des minorités ethniques ou religieuses, comme c’est le cas pour les Rohingyas au Myanmar, sans discrimination. L’article 15 de la DUDH déclare aussi que toute personne a le droit à la nationalité et interdit de fait les privations arbitraires de nationalité, et affirme également les obligations des Etats à mettre en place un système de certification de la nationalité.  

2. Enregistrement des enfants à la naissance pour garantir leur identité légale/juridique– article 24 (1) Pacte International Relatif aux Droits Civils et Politiques (PIDCP) ; articles 7 & 8 de la Convention internationale Relative aux Droits de l’Enfant (CIDE)

(A voir aussi : l’article 29 de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille ; l’article 18 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées.)

L’enregistrement à la naissance est probablement l’étape la plus importante pour la reconnaissance de l’existence légale future des personnes. L’UNICEF met en garde sur le fait qu’un enfant non enregistré à la naissance est en danger de se voir dénier le droit à une identité officielle, à un nom reconnu et à une nationalité, et qu’en conséquence il a plus de chance d’être victime de discrimination dans l’exercice de ses droits fondamentaux. Il existe plusieurs traités internationaux relatifs aux droits de l’homme qui établissent le droit à tout enfant d’être immédiatement enregistré après sa naissance – article 24 (2) du PIRDCP, tout comme le droit de se voir donner un nom, d’acquérir une nationalité, et dans la mesure du possible de connaître et d’être pris en charge par leurs parents – article 7 CIDE. Une mention spéciale est faite pour les enfants qui seraient autrement apatrides et pour qui les Etats doivent donner une attention particulière en vertu des lois nationales et des obligations issues des conventions internationales qu’ils ont ratifié. Les obligations des Etats découlant de la CIDE doivent être mises en place conformément aux principes généraux de la CIDE, incluant le principe de non-discrimination et du meilleur intérêt de l’enfant. Les indicateurs qui pourraient évaluer dans quelles mesures les Etats remplissent leurs obligations vis-à-vis des enfants devraient être basés sur les recommandations du Comité sur les Droits de l’enfant (para 25).

Le Comité recommande aux Etats d’assurer un système d’enregistrement universel, bien géré et accessible à tous gratuitement. L’accès devrait être pensé en termes d’accès géographique, physique et social. Un tel système devrait être flexible et adapté aux différentes situations et circonstances des familles ainsi que permettre un enregistrement tardif d’un enfant. Parmi les autres questions à examiner, il convient de déterminer si le système d’enregistrement des naissances permet l’enregistrement des enfants de non-ressortissants (migrants, réfugiés ou apatrides) ; l’absence d’identité juridique des parents ne devrait pas empêcher l’enregistrement de l’enfant ; la qualité de l’enregistrement des naissances devrait également être prise en compte pour garantir que la nationalité soit enregistrée. Un autre indicateur utile est l’inclusion dans les lois et procédures nationales de l’enregistrement des naissances postérieur pour les cas où des adultes n’ont pas été enregistrés à la naissance et n’ont pas d’identité légale. Dans certains Etats, l’enregistrement ultérieur des naissances est seulement ouvert aux mineurs, laissant les adultes dans un flou juridique.  

3. Réduire l’apatridie (Convention relative au Statut des personnes Apatrides des nations-unies de 1954, Convention de réduction de l’apatridie des nations unies de 1961)

La convention de 1954 établit la définition légale d’une personne apatride comme quelqu’un qui n’a été reconnu comme citoyen par aucun Etat au regard de sa loi. Elle établit ce fait avec la volonté de garantir un droit à l’identité, une protection des documents de voyages et une assistance administrative pour les personnes ayant été identifiées comme apatrides, afin de leur assurer un accès minimum à leurs droits fondamentaux. La question de savoir si les Etats se conforment à la Convention de 1954 en ayant une procédure de détermination de l’apatridie dans leur droit national doit servir d’indicateur par rapport à l’objectif 4 car le résultat final d’une telle procédure serait la reconnaissance de la personne devant la loi. A long terme, cette reconnaissance pourrait également ouvrir la voie à l’acquisition de la nationalité. En l’absence d’une telle procédure spéciale, un indicateur pertinent devrait indiquer si l’identification comme apatride est possible par le biais d’autres procédures (par exemple par le biais de la résidence). Dans tous les cas, les personnes reconnues comme apatrides devraient se voir obtenir le droit à un statut d’immigration régulier devant la loi qui pourrait leur permettre de profiter du traitement envisagé par la Convention de 1954. La Convention de 1961 vise à réduire l’apatridie en demandant aux Etats d’établir des garanties dans leur lois sur la nationalité pour prévenir l’apatridie à la naissance et après. De ce fait, il y a des mesures spéciales qui visent à s’assurer que des enfants ne se retrouvent pas apatrides.

Un bon indicateur qui permettrait de voir si les Etats remplissent leurs obligations serait d’avoir des mesures spéciales dans les législations autour de la nationalité, autorisant les enfants nés sur le territoire à acquérir la nationalité dans le cas où ils pourraient se retrouver apatrides (soit dans l’impossibilité d’obtenir une autre nationalité à la naissance). De plus, les législations autour de la nationalité devraient inclure des mesures assurant que les changements de statuts personnels (mariages, divorces, adoptions etc) ou la renonciation à la nationalité ou la naturalisation ne causent pas l’apatridie. Les lois autour de la nationalité devraient aussi inclure un nombre suffisant de garanties pour prévenir les privations arbitraires de nationalités.  

4. Égalité de traitement et lutte contre la discrimination – article 9 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEADW); article 5 de la Convention Internationale sur l’élimination de toutes les formes de discriminations raciales (ICERD)

L’article 9 (1) de la CEADW garantit que les femmes bénéficient de l’égalité de traitement vis-à-vis des hommes dans leurs possibilités à acquérir, changer ou conserver leur nationalité. La conformité avec l’Objectif 4 est liée à l’acquisition de garanties légales dans les législations sur la nationalité pour assurer que la nationalité des femmes ne soit pas automatiquement changée après un mariage ou un changement de nationalité de leur mari. Selon l’article 9 (2) de la même convention, les Etats doivent garantir l’octroi aux femmes de droits égaux à ceux des hommes, en respectant la nationalité de leurs enfants. L’article 5 de la deuxième convention crée des obligations pour les Etats parties visant à interdire et à éliminer toutes formes de discriminations raciales et de garantir le droit de chacun à l’égalité devant la loi, sans distinction de race, couleur, origine nationale ou ethnique. En termes d’indicateurs, les lois de nationalité devraient inclure l’interdiction expresse de discrimination de genre ou de race, et les États parties devraient établir des mécanismes de surveillance pour vérifier que les décisions prises liées à la nationalité prennent compte de ces principes.  

 5. Accès à la documentation consulaire – article 5 de la Convention de Vienne sur les Relations Consulaires – art 23 de la Convention Internationale sur la Protection des Droits des Travailleurs Migrants et des Membres de leur Famille.

Si l’Objectif 14 traite de tous les enjeux liés à l’obtention d’une protection consulaire et à une assistance et à de la coopération à travers toutes les étapes d’un processus de migration, l’Objectif 4 mentionne l’accès à la documentation consulaire pour les nationaux résidant à l’étranger dans l’objectif d’obtenir cette « documentation consulaire » (identité et documents de voyage). L’accès à la protection consulaire et à l’assistance du pays d’origine est un droit de la migration selon l’article 23 de la Convention Internationale sur la Protection des Droits des Travailleurs Migrants et des Membres de leur Famille lorsque les autres droits reconnus par la convention sont amoindris. L’article 5 de la Convention de Vienne détaille les fonctions des consuls, incluant la fourniture de passeports et documents de voyage aux nationaux d’un Etat. Les indicateurs pertinents comprennent l’existence et le nombre de bureaux consulaires par rapport au nombre de ressortissants dans l’État d’accueil, l’accessibilité de ces bureaux et les frais liés à la délivrance des documents.