Indicateurs du PMM – Objectif 5: Faire en sorte que les filières de migrations régulières soient accessibles et plus souples

Article de blog écrit par le Kees Groenendijk (professeur émérite, Radboud University, Netherlands) et publié en anglais sur le blog Refugee Law Initiative examinant la mise en œuvre du Pacte mondial pour une migration sûre, ordonnée et régulière (PMM). Traduction réalisée par Clotilde Girard, Thomas Lautrou-Cabasson et Louisa Savinel (Cliniciens et cliniciennes de la Clinique Juridique Hijra).


L’objectif 5 concerne l’amélioration des voies de migration régulières de trois catégories de migrants : les travailleurs migrants, les membres de leur famille et les étudiants et chercheurs (« mobilité académique »). Des indicateurs seront formulés pour chaque catégorie.

Une première question est de savoir si la terminologie utilisée dans le titre de cet objectif et les termes utilisés dans la description des actions pertinentes, tels que « faciliter », « élargir les options disponibles », ou encore « étendre la disponibilité des filières de migration régulières » restreignent la marge de manœuvre des États pour réduire les options existantes ou pour introduire de nouvelles restrictions concernant les filières de migrations régulières. Les actions utilisant cette terminologie doivent-elles être considérées comme des clauses de standstill implicites ? Il semble que ce soit le cas. Compte tenu du fait que le Pacte n’est pas un instrument contraignant de droit international, il n’interdit pas juridiquement l’introduction de nouvelles restrictions.  Mais leur introduction ne serait clairement pas compatible avec l’engagement politique pris par les États qui ont soutenu l’adoption du Pacte.

Deuxièmement, les engagements des États au titre de cet objectif ne se limitent pas aux règles légales en matière d’immigration. Les engagements s’appliquent également aux instructions ministérielles publiées ou non publiées et aux pratiques administratives des autorités de l’immigration.

1. Migrations de travail

L’objectif 5 commence par un engagement général en matière de migration de travail :

« Nous nous engageons à ménager des options et des filières de migration régulière pour faciliter la mobilité de la main-d’œuvre et le travail décent compte tenu des réalités de la démographie et du marché du travail, optimiser l’accès à l’éducation, défendre le droit à la vie de famille et répondre aux besoins des migrants qui se trouvent en situation de vulnérabilité, l’objectif étant de développer et de diversifier les filières de migration sûre, ordonnée et régulière ».

La référence aux « réalités de la démographie et du marché du travail » souligne que cet engagement ne se limite pas aux travailleurs hautement qualifiés.

Selon les documents politiques de l’Union Européenne sur la gestion des migrations, le souhait de créer et d’élargir les voies de migration régulières pour les travailleurs extérieurs à l’UE a été exprimé depuis plus d’une décennie et n’a produit que des résultats minimes.

Au titre de l’action (a), il est indiqué que les accords multilatéraux et bilatéraux sur la mobilité de la main-d’œuvre devraient tenir compte des normes de l’OIT « dans le respect du droit international des droits de l’homme ainsi qu’au droit du travail ». L’action (b) mentionne la « libéralisation des régimes de visas ou de validité des visas pour plusieurs pays, et des cadres de coopération en matière de mobilité de la main-d’œuvre » comme instruments possibles pour la réalisation de cet objectif. Aucun accord bilatéral sur la mobilité de la main-d’œuvre conclu par un État membre de l’Union européenne avec un État non-membre de l’Union européenne après 2000 faisant explicitement référence aux normes de l’OIT ou au droit international des droits de l’homme n’est connu. Cela vaut également pour les partenariats non contraignants convenus entre l’UE et certains États africains, mentionnant la possibilité d’une mobilité régulière de la main-d’œuvre vers l’UE.

Indicateurs

  1. Vérifier que les instruments bilatéraux ou multilatéraux récents sur la mobilité de la main-d’œuvre contiennent des garanties sérieuses de conformité avec les normes de l’OIT, telles que la Convention n°97 ; le droit international des droits de l’homme ainsi que le droit du travail.
  2. Vérifier que la législation nationale en matière de permis de travail et d’emploi des non-nationaux est conforme aux normes de l’OIT, telles que la Convention de 1949 de l’OIT sur les travailleurs migrants n°97, et avec le droit international des droits de l’homme et du travail. La durée de validité et la possibilité de renouvellement du travail autorisé ont-elles augmenté ou diminué après l’adoption du Pacte ?
  3. Est-ce que le conseil d’utiliser les cadres de coopération pour la libéralisation des visas, les visas pour plusieurs pays et la mobilité de la main d’œuvre a été appliqué dans la pratique

2. Migration familiale

Les États ont accepté l’engagement (i) de:

« Faciliter l’accès aux procédures de regroupement familial des migrants, quel que soit leur niveau de compétences, en prenant des mesures favorisant l’exercice du droit à la vie de famille et l’intérêt supérieur de l’enfant, notamment par l’examen et la révision des critères applicables, comme le niveau de revenu, la connaissance de la langue, la durée du séjour, l’autorisation de travail et l’accès à la sécurité sociale et aux services sociaux. »

Cet engagement implique la réduction des obstacles procéduraux au regroupement familial et l’absence d’obstacles nouveaux ou plus importants, tels que des délais d’attente plus longs, des droits de séjour plus élevés, un permis de travail exigé ou l’obligation de présenter des documents supplémentaires. En outre, les futures révisions des règles sur le regroupement familial devraient viser à faciliter le regroupement familial en abaissant plutôt qu’en augmentant les exigences explicitement mentionnées dans le Pacte : « le revenu, la connaissance de la langue, la durée du séjour, l’autorisation de travail ».

Cette action précise que la facilitation doit être donnée au regroupement familial des migrants quel que soit leur niveau de compétence. Cette déclaration implique qu’il sera plus difficile pour les États de justifier la facilitation du regroupement familial uniquement pour les migrants hautement qualifiés. Au cours de la dernière décennie, l’UE a adopté plusieurs directives sur l’admission de travailleurs hautement qualifiés de pays tiers, accordant des privilèges à ces travailleurs, par rapport aux règles générales de la directive de 2003 sur le regroupement familial des ressortissants de pays tiers. Certains de ces privilèges sont : l’absence de délai d’attente, l’absence de tests de langue ou d’intégration, des mesures seulement après l’admission telles que l’absence de test sur le marché du travail pour les membres de la famille qui travaillent ainsi que le traitement rapide des demandes [1]. Il sera plus difficile de justifier de tels privilèges pour les travailleurs hautement qualifiés seulement, si les États prennent au sérieux cet engagement au titre du pacte.

Indicateurs :

Les règles nationales sur le regroupement familial adoptées après décembre 2018 introduisent-elles des périodes d’attente nouvelles ou plus longues, des taxes plus élevées ou des exigences relatives à des documents supplémentaires ? Fixent-elles des exigences de revenu plus élevées ou imposent-elles des exigences en matière de langue ou d’intégration ?

L’engagement de faciliter le regroupement familial ne se limite pas aux règles statutaires. Cela s’applique également aux pratiques administratives des services d’immigration, telles que les longs délais de traitement des demandes de regroupement familial. Des informations sur de telles pratiques pourraient être disponibles au sein des ONG d’immigrants et des associations de citoyens ayant des partenaires non nationaux.

3. Mobilité académique

Dans le cadre de l’action (j) de l’objectif 5, les États se sont engagés à

« élargir les options de mobilité universitaires disponibles » et à « faciliter les échanges universitaires […] pour les étudiants et les professeurs ».

L’introduction de nouvelles exigences limitant l’accès aux visas ou aux permis de séjour pour les étudiants non nationaux ou les professionnels de l’université ou la réduction de leur accès aux bourses serait clairement incompatible avec l’objectif.

En 2016, l’UE a adopté la directive 2016/801 sur l’entrée et le séjour des ressortissants de pays tiers avec pour finalité la recherche et l’étude, remplaçant la directive de 2004 sur les étudiants et la directive de 2005 sur les chercheurs [2]. La directive de 2016 élargissait clairement les possibilités disponibles aux étudiants de pays tiers admis dans une université européenne d’avoir un emploi en parallèle à leurs études, de chercher un emploi dans un pays de l’UE après l’obtention de leur diplôme et de vivre et de travailler dans un autre État membre de l’UE pendant leurs études. La directive élargissait également les possibilités pour les chercheurs de pays tiers d’amener leur famille, d’effectuer des recherches dans d’autres États membres et de vivre avec des membres de la famille dans cet État. Par ailleurs, la directive a introduit de nouvelles conditions d’admission et des motifs supplémentaires de retrait ou de non-prolongation du permis de séjour. La directive ayant été adoptée et devant être transposée par les États membres dans leur législation nationale avant l’adoption du PMM en décembre 2018, elle est compatible avec cet objectif.

Indicateurs :

De nouvelles restrictions dans les règles statutaires ou les pratiques administratives concernant l’admission d’étudiants ou de chercheurs non nationaux, leur droit de résidence, leur droit d’étudier, de mener des recherches ou de recevoir des bourses ont-elles été introduites après l’adoption du Pacte ?

Les modifications des règles statutaires sont relativement faciles à contrôler. Les changements dans les pratiques administratives sont généralement moins visibles. Des informations fiables sur de tels changements pourraient être obtenues auprès des départements des relations internationales des universités, qui ont souvent des contacts quotidiens avec les autorités de l’immigration sur la délivrance et l’extension des permis de séjour et une connaissance actualisée des pratiques en matière de bourses d’études et de droit à l’emploi des étudiants ou des chercheurs.


[1] Voir la directive sur la carte bleue 2009/50, la directive 2014/36 sur les personnes transférées au sein d’une entreprise et la directive 2016/801 sur les chercheurs.

[2] OJ 2016 L 132, p. 21–57.