Article de blog écrit par Jean-Pierre Gauci et Francesca Romana Partipilo (British Institute of International and Comparative Law) et publié en anglais sur le blog Refugee Law Initiative examinant la mise en œuvre du Pacte mondial pour une migration sûre, ordonnée et régulière (PMM). Traduction réalisée par Adèle Ichanjou (Clinicienne à la Clinique Juridique Hijra)
Introduction
L’objectif 10 du Pacte mondial pour les migrations (PMM) vise à prévenir, combattre et éradiquer la traite des personnes dans le contexte des migrations internationales. La traite des personnes est définie comme le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil de personnes par la menace de recours ou le recours à la force ou à d’autres formes de contrainte, par enlèvement, fraude, tromperie, abus d’autorité ou d’une situation de vulnérabilité, ou par l’offre ou l’acceptation de paiements ou d’avantages pour obtenir le consentement d’une personne ayant autorité sur une autre aux fins d’exploitation. La définition exige trois éléments : l’acte, les moyens et la finalité. Dans le cas de la traite des enfants, l’utilisation des moyens susmentionnés n’est pas nécessaire pour que le crime soit punissable. Dans tous les cas, toute forme de consentement donné par la victime est considérée comme “non pertinente”.
L’interdiction de la traite des êtres humains est maintenant établie dans une série de traités sur les droits de l’homme, que ce soit directement ou indirectement. Des dispositions directes sur la traite figurent à l’article 5, paragraphe 3, de la Charte des droits fondamentaux de l’UE et à l’article 10 de la Charte arabe des droits de l’homme, ainsi que dans la Convention interaméricaine des droits de l’homme qui interdit spécifiquement la traite des femmes (article 6, paragraphe 1). D’autres instruments des droits de l’homme interdisent l’esclavage, la servitude et le travail forcé. Les dispositions pertinentes à cet égard sont notamment les suivantes : l’Article 4 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, l’article 8 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, l’article 4 de la Convention européenne des droits de l’homme, l’article 5 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, la Convention de l’OIT sur les pires formes de travail des enfants (Convention n°182). La ligne directe entre la traite des êtres humains telle que définie dans le protocole et l’interdiction de l’esclavage, de la servitude et du travail forcé a été établie, entre autres, par la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Rantsev contre la Chypre et la Russie. Dans cet arrêt et dans d’autres, la Cour identifie également un certain nombre d’obligations tant négatives que positives pour les États.
Conformément au champ d’application du PMM, l’article 10 est limité au trafic international – ou plutôt au trafic ayant un impact sur les migrants. Il convient toutefois de noter qu’il existe aujourd’hui un consensus croissant sur le fait que le cadre juridique international sur la traite couvre également les formes de traite des ressortissants à l’intérieur de leur propre pays. En outre, l’accent mis sur les personnes en mouvement (les migrants) dans le Pacte reflète le fait que la vulnérabilité des migrants et des populations déplacées à la traite est axiomatique même si la littérature dans ce domaine reste relativement limitée.
La référence à l'”éradication” de la traite est particulièrement intéressante et conforme à l’interdiction de la traite dans les instruments relatifs aux droits de l’homme. L’engagement pris dans le Pacte n’est pas simplement de “prévenir et combattre” la traite, mais il est plus ambitieux : il s’agit d’éradiquer la traite.
Le principal instrument international sur la traite des êtres humains est le “Protocole additionnel à la Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants” (Protocole sur la Traite). Il n’est donc pas surprenant que la première action promue dans le cadre de ce protocole concerne la promotion, la ratification, l’adhésion et la mise en œuvre de ce même protocole. Le protocole a été décrit comme “l’instrument juridique unique et le plus important sur la traite” malgré ses diverses lacunes et faiblesses. Cet engagement comporte une dimension définitionnelle et une dimension substantielle.
La dimension définitionnelle implique l’adoption de la définition de la traite telle qu’elle est envisagée dans le protocole. En effet, parvenir à un accord sur la définition de la traite telle qu’elle est énoncée à l’article 3 du Protocole (et citée ci-dessus) est l’une des plus grandes réalisations du processus de Vienne qui a conduit à l’adoption du Protocole. La dimension substantielle exige que les États préviennent et criminalisent la traite et offrent une protection aux victimes de la traite.
Sur la base de cette disposition, l’objectif 10 du Pacte Mondial pour les migrations vise à prévenir, combattre et éradiquer la traite des personnes dans le contexte des migrations internationales. Afin d’atteindre cet objectif, le Pacte mondial prévoit une liste de stratégies et de recommandations à l’intention des États parties. Ces stratégies trouvent leur équivalent dans plusieurs instruments des droits de l’homme au niveau international et régional, analysés plus en détail dans les sections suivantes de ce poste.
Promouvoir la mise en œuvre du Plan d’Action Mondial pour Lutter contre la Traite des Personnes et prendre en considération les recommandations pertinentes du Référentiel d’aide à la Lutte contre la Traite des Personnes de l’ONUDC et d’autres documents pertinents de l’ONUDC lors de l’élaboration et de la mise en œuvre de politiques et de mesures nationales et régionales relatives à la traite des personnes.
Bien que cet engagement soit assez explicite, il convient de noter qu’une série de ressources et d’autres acteurs ont été développées par l’ONUDC afin d’aider les États à élaborer et à mettre en œuvre la législation et la politique nationales nécessaires. La nécessité d’élaborer et de mettre en œuvre des politiques nationales et régionales est également résumée dans d’autres instruments. Les Principes et Directives Recommandés par le HCDH sur les Droits de l’Homme et la Traite des Êtres Humains, par exemple, recommandent que “les États adoptent les mesures législatives et autres mesures nécessaires pour ériger en infraction pénale la traite, les actes qui la composent et les comportements qui s’y rapportent”.
Cela va au-delà d’obligations plus spécifiques telles que : l’obligation de criminaliser la traite en vertu de l’article 5 du Protocole sur la Traite et de l’article 18 de la Convention du Conseil de l’Europe sur la traite, et l’obligation, en vertu de l’article 7 de la Convention Interaméricaine sur le Trafic International des Mineurs, d’adopter des mesures efficaces pour prévenir et punir sévèrement le trafic international des mineurs.
L’ajout de cet engagement permet d’appliquer l’ensemble des exigences et des recommandations contenues dans ces instruments et outils de droit dans le cadre du pacte. Le Plan d’Action Mondial visant à Prévenir et à Combattre la Traite des Personnes et le Trafic Illicite de Migrants est une initiative conjointe de l’Union européenne et de l’ONUDC. Le projet est mis en œuvre en partenariat avec l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM) et le Fonds des Nations Unies pour l’Enfance (UNICEF). L’objectif du projet est de prévenir et de combattre la traite des personnes dans 13 pays cibles. En outre, le projet devrait renforcer la mise en œuvre du Protocole visant à Prévenir, Réprimer et Punir la Traite des Personnes, en particulier des femmes et des enfants.
Le Référentiel de l’ONUDC pour lutter contre la Traite des Personnes a été rédigé afin d’élaborer des lignes directrices et de collecter et diffuser les pratiques réussies en matière d’identification des victimes, d’enquête sur les infractions, d’assistance aux victimes et de rapatriement, de formation et de renforcement des capacités et de stratégies et campagnes de sensibilisation. Le référentiel identifie l’absence de législation spécifique ou adéquate sur la traite au niveau national comme l’un des principaux obstacles à la lutte contre la traite. Par conséquent, le référentiel recommande l’élaboration d’un cadre juridique approprié qui soit conforme aux normes et instruments internationaux pertinents. Ce cadre est en outre soutenu par l’élaboration de “lois types” et de guides politiques, notamment ceux élaborés dans le cadre du processus de Bali.
Il est important de surveiller les itinéraires de migration irrégulière qui peuvent être exploités par les réseaux de traite des êtres humains pour recruter et victimiser les migrants clandestins ou irréguliers. Cela permettra de renforcer la coopération aux niveaux bilatéral, régional et interrégional en matière de prévention, d’enquête et de poursuite des auteurs, ainsi que d’identification, de protection et d’assistance aux victimes de la traite des personnes.
Le deuxième engagement peut être divisé en deux parties. La première est axée sur la surveillance des routes migratoires et la seconde sur la coopération, y compris celle transfrontalière.
À cet égard, la Convention sur les Crimes Transnationaux Organisés, dans son article premier, indique que son but est de promouvoir la coopération pour prévenir et combattre plus efficacement la criminalité transnationale organisée. De même, l’article 2 (c) du Protocole sur la Traite des Êtres Humains indique que le but du Protocole est de promouvoir la coopération entre les États parties afin d’atteindre les objectifs de prévention de la traite et de protection et d’assistance aux victimes de la traite. À cet égard, l’article 9 du Protocole sur la Traite consacre son attention à la prévention de la traite et exige des États parties qu’ils prennent ou renforcent des mesures, y compris par une coopération bilatérale ou multilatérale, pour atténuer les facteurs qui rendent les personnes, en particulier les femmes et les enfants, vulnérables à la traite. Cela inclut clairement (mais pas uniquement) les routes de migration. Enfin, l’article exige que les États parties adoptent des mesures législatives ou autres, telles que des mesures éducatives, sociales ou culturelles, notamment par le biais d’une coopération bilatérale et multilatérale, pour décourager la demande qui favorise toutes les formes d’exploitation des personnes, en particulier des femmes et des enfants.
En outre, l’article 1 de la Convention du Conseil de l’Europe contre la Traite des Êtres Humains stipule que l’objectif de la convention est de “promouvoir la coopération internationale en matière de lutte contre la traite des êtres humains”. L’article 1 de la Convention Interaméricaine sur le trafic international des mineurs stipule que l’objectif de la convention est “d’instituer un système d’entraide judiciaire entre les États parties, consacré à la prévention et à la répression du trafic international des mineurs”. En outre, la convention prévoit, à l’article 4, que “les États parties coopèrent avec les États qui ne sont pas parties à la convention pour prévenir et réprimer le trafic international de mineurs”.
Le Référentiel d’Aide à la Lutte contre la Traite des Personnes souligne que dans un grand nombre de cas de traite des personnes, les autorités nationales ont besoin de l’aide d’autres États pour mener à bien les enquêtes, les poursuites et les sanctions à l’encontre des auteurs. À cet égard, l’article 18 de la Convention contre la Criminalité Organisée aborde la question de l’entraide judiciaire. La disposition établit que “les États parties s’accordent mutuellement l’entraide judiciaire la plus large possible dans les enquêtes, poursuites et procédures judiciaires relatives aux infractions visées par la Convention”.
Quant aux modalités de cette assistance, l’article explique que “l’entraide judiciaire est accordée dans la mesure du possible en vertu des lois, traités, accords et arrangements pertinents en ce qui concerne les enquêtes, les poursuites et les procédures judiciaires”. L’article 10 du Protocole Facultatif à la Convention relative aux Droits de l’Enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, stipule que :
Les États parties doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour renforcer la coopération internationale par des arrangements multilatéraux, régionaux et bilatéraux visant à prévenir et à détecter les actes impliquant la vente d’enfants, la prostitution des enfants, la pornographie mettant en scène des enfants et le tourisme sexuel impliquant des enfants, à enquêter sur ces actes, à en poursuivre les auteurs et à les punir. Les États parties doivent également favoriser la coopération et la coordination internationales entre leurs autorités, les organisations non gouvernementales nationales et internationales et les organisations internationales.
En Europe, la Convention du Conseil de l’Europe sur la Lutte contre la Traite des Êtres Humains prévoit, dans son article 5, que “Chaque Partie prenne des mesures pour établir ou renforcer la coordination nationale entre les différents organismes chargés de prévenir et de combattre la traite des êtres humains”.
En outre, la Convention Interaméricaine contre la Traite des Mineurs prévoit, dans son article 1, la création d’un système d’entraide judiciaire entre les États parties, consacré à la prévention et à la répression du trafic international de mineurs.
Enfin, l’article 8 de la Convention de l’OIT sur les pires formes de travail des enfants (convention n°182) dispose que “les Membres prennent les mesures appropriées pour s’aider mutuellement à donner effet aux dispositions de la présente convention par une coopération et/ou une assistance internationales renforcées”.
Quant au thème de la coopération internationale dans le domaine de la lutte contre la traite des personnes, le Référentiel d’Aide à la Lutte contre la Traite des Personnes reconnaît explicitement que la coopération internationale est une condition préalable essentielle au succès de toute réponse à la traite des personnes. En effet, la traite peut avoir lieu au-delà des frontières et, dans ce cas, elle ne peut être combattue sans efforts internationaux conjoints et sans coopération internationale. En outre, les directives du HCDH sur la Traite sur la coopération et la coordination entre les États et les régions, recommandent que les États envisagent “d’adopter des accords bilatéraux visant à prévenir la traite, à protéger les droits et la dignité des victimes de la traite et à promouvoir leur bien-être”. En outre, la directive 11 de ce même instrument du HCDH propose que les États élaborent des traités régionaux et sous-régionaux sur la traite, en utilisant le Protocole de Palerme sur la Traite et les normes internationales pertinentes en matière de droits de l’homme comme base et cadre de référence.
Il s’agit donc de partager des informations et des renseignements pertinents par le biais de mécanismes transnationaux et régionaux, notamment sur le modus operandi (mode d’action), les modèles économiques et les conditions qui régissent les réseaux de traite.
La nécessité de partager les informations et les renseignements est au premier plan de toutes les exigences de la coopération entre les États dans la lutte contre la traite des êtres humains.
L’article 10 du Protocole Relatif à la Traite prévoit que les services chargés de superviser l’application de la loi, les services d’immigration ou les autres services compétents des États parties coopèrent, en échangeant des informations leur permettant de déterminer si les personnes qui franchissent les frontières internationales sont des auteurs ou des victimes de la traite, les types de documents de voyage utilisés aux fins de la traite des personnes et les moyens et méthodes utilisés par les groupes criminels organisés aux fins de la traite des personnes.
De même, l’article 6 du Protocole Facultatif à la Convention relative aux Droits de l’Enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, exige des États parties qu’ils s’accordent mutuellement la plus grande assistance dans le cadre des enquêtes ou des procédures pénales ou d’extradition concernant les infractions visées par le protocole, y compris l’assistance pour l’obtention des éléments de preuve dont ils disposent et qui sont nécessaires à la procédure.
En outre, la disposition prévoit que :
Les États parties s’acquittent des obligations qui leur incombent en vertu du paragraphe 1 conformément à tout traité ou autre arrangement d’entraide judiciaire pouvant exister entre eux. En l’absence de tels traités ou arrangements, les États parties s’accordent mutuellement une assistance conformément à leur droit interne.
Au niveau régional, l’article 32 de la Convention du Conseil de l’Europe contre la traite des êtres humains stipule que :
Les Parties coopèrent entre elles, par l’application des instruments internationaux et régionaux pertinents applicables, aux fins de : prévenir et combattre la traite des êtres humains ; protéger et fournir une assistance aux victimes ; mener des enquêtes ou des procédures concernant les infractions pénales établies conformément à la présente convention.
Enfin, la Convention Interaméricaine sur le Trafic International des Mineurs exige, dans son article 8, que :
Les États parties à la Convention s’engagent à : s’entraider promptement et sans délai par l’intermédiaire de leurs autorités centrales, pour mener des procédures judiciaires et administratives ; et à établir, par l’intermédiaire de leurs autorités centrales, des mécanismes d’échange d’informations sur toute loi, jurisprudence, pratiques administratives, statistiques et modalités internes concernant le trafic international de mineurs dans leurs États.
Ainsi, il est important de renforcer la coopération entre tous les acteurs concernés, y compris les cellules de renseignement financier, les régulateurs et les institutions financières, afin d’identifier et de perturber les flux financiers associés à la traite des personnes, et améliorer la coopération judiciaire et l’application des lois dans le but de garantir la responsabilité et de mettre fin à l’impunité.
À cet égard, l’article 12 de la Convention contre les Crimes Transnationaux Organisés, relatif à la confiscation, dispose que les États parties adoptent des mesures pour permettre la confiscation du produit du crime provenant d’infractions visées par la convention et des biens, matériels ou autres instruments utilisés ou destinés à être utilisés pour les infractions visées par la convention. En outre, l’article 12, paragraphe 2, dispose que “les États parties adoptent les mesures nécessaires pour permettre l’identification, le dépistage, le gel ou la saisie de tout article visé au paragraphe 1”. En outre, l’article 13 de la convention régit la coopération internationale aux fins de confiscation, en établissant que les États parties doivent prendre des mesures pour coopérer entre eux aux fins de la confiscation des produits du crime, des biens, des équipements ou d’autres instruments liés aux infractions couvertes par la convention. Enfin, l’article 14 régit la disposition des produits du crime ou des biens confisqués, et la coopération entre les États à cette fin.
L’application de mesures qui tiennent compte des vulnérabilités particulières des femmes, des hommes, des filles et des garçons, quel que soit leur statut migratoire, qui sont devenus ou risquent de devenir des victimes de la traite des êtres humains et d’autres formes d’exploitation, est ainsi primordiale.
Dans un premier temps, il convient de noter que les menaces liées au statut d’immigration sont souvent utilisées par les trafiquants comme moyen de garder leurs victimes sous leur contrôle. La vulnérabilité des migrants est encore plus grande en raison de leur statut parfois problématique, tandis que la méconnaissance de leurs droits rend souvent plus difficile pour les victimes de signaler le crime et de demander de l’aide.
Le premier instrument relatif aux droits de l’homme qui a abordé la question de la traite des personnes est la Convention des Nations Unies sur l’Élimination de toutes les formes de Discrimination à l’égard des Femmes. L’article 6 de la Convention prévoit que “les États parties prennent toutes les mesures appropriées, y compris des dispositions législatives, pour supprimer toutes les formes de traite des femmes et d’exploitation de la prostitution des femmes”. En Afrique, la traite est considérée par l’Union Africaine comme une violation des droits de la femme en vertu de l’article 4 du Protocole à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples relatif aux Droits de la Femme en Afrique.
En ce qui concerne les mineurs, l’article 35 de la Convention relative aux Droits de l’Enfant stipule que “les États parties prennent toutes les mesures appropriées sur les plans national, bilatéral et multilatéral pour empêcher l’enlèvement, la vente ou la traite d’enfants à quelque fin que ce soit et sous quelque forme que ce soit”. En outre, le Protocole Facultatif à la Convention relative aux Droits de l’Enfant concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants prévoit, dans son article 1er, que “les États parties interdisent la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants”. Dans les Amériques, la Convention Interaméricaine sur le Trafic International des Mineurs vise à protéger les droits fondamentaux des mineurs et à prévenir et punir le trafic international des mineurs (article 1 de la convention). La convention exige des États parties qu’ils coopèrent avec les États non parties pour prévenir et sanctionner le trafic international de mineurs, ainsi que pour protéger et prendre en charge les mineurs victimes de cet acte illicite (article 4 de la convention). La Convention du Conseil de l’Europe sur la Lutte contre la Traite des Êtres Humains prévoit, dans son article 5, que “Chaque partie prenne des mesures spécifiques pour réduire la vulnérabilité des enfants à la traite, notamment en créant un environnement protecteur pour eux”. En outre, la disposition précise que “Chaque Partie favorise une approche fondée sur les Droits de l’Homme, intègre la dimension de genre et une approche adaptée aux enfants dans l’élaboration, la mise en œuvre et l’évaluation de toutes les politiques” relatives à la traite.
Au niveau européen, il convient de noter l’arrêt de la CEDH dans l’affaire Chowdury et autres contre la Grèce : dans ce dernier, la Cour de Strasbourg a estimé que les requérants étaient victimes de la traite des êtres humains et du travail forcé. Les requérants, dans cette affaire, étaient des migrants bangladais vivant en Grèce sans permis de travail, qui ont néanmoins été recrutés pour travailler dans une ferme de fraises. En conséquence, la Cour a conclu que :
Les requérants étaient conscients que leur situation irrégulière les exposait au risque d’être arrêtés et détenus en vue de leur expulsion de Grèce. Une tentative de quitter leur travail aurait sans doute rendu cette situation plus probable et aurait signifié la perte de tout espoir de recevoir le salaire qui leur était dû. En outre, les requérants, qui n’avaient reçu aucun salaire, ne pouvaient ni vivre ailleurs en Grèce ni quitter le pays.
En outre, la Cour a considéré que :
Lorsqu’un employeur abuse de son pouvoir ou profite de la vulnérabilité de ses travailleurs pour les exploiter, ceux-ci ne s’offrent pas volontairement à un travail. Le consentement préalable de la victime ne suffit pas pour exclure la qualification de travail comme travail forcé.
En conséquence, la Cour a souligné que les “demandeurs ont commencé à travailler à un moment où ils se trouvaient dans une situation de vulnérabilité en tant que migrants irréguliers sans ressources et risquant d’être arrêtés, détenus et expulsés”. En conclusion, la Cour a qualifié les circonstances de l’affaire de travail forcé, l’une des composantes de la traite des êtres humains, et a estimé pour la première fois que l’exploitation du travail des migrants irréguliers équivaut à du travail forcé, ce qui démontre comment le statut de migrant irrégulier d’une personne peut être utilisé pour garder le contrôle de l’individu en question et l’exploiter.
Finalement, à cet égard, la Convention de l’OIT sur les Pires Formes de Travail des Enfants (Convention n° 182), dans son article 6, demande à chaque État membre de “concevoir et mettre en œuvre des programmes d’action visant à éliminer en priorité les pires formes de travail des enfants”.
Par ailleurs, il convient de noter que dans son rapport de 2018 sur la “Traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants”, le rapporteur spécialisé des Nations Unies sur la traite des personnes a souligné que “la traite des personnes découle souvent de vulnérabilités existantes, telles que la discrimination et les stéréotypes fondés sur le sexe”. En outre, selon le dernier rapport mondial de l’UNODC sur la Traite des Personnes, les femmes et les filles représentent toujours une part importante du nombre total de victimes de la traite, soit 51 % et 20 % respectivement[1].
Il faut renforcer la législation et les procédures pertinentes pour améliorer la poursuite des trafiquants, éviter la criminalisation des migrants victimes de la traite des personnes pour des infractions liées à la traite, et veiller à ce que la victime bénéficie d’une protection et d’une assistance appropriées.
En ce qui concerne ce point, le Protocole sur la Traite, dans son article 5, établit que “Chaque État partie adopte les mesures législatives et autres qui se révèlent nécessaires pour conférer le caractère d’infraction pénale aux actes énoncés à l’article 3 du Protocole”, l’article 3 établissant que :
La traite de personnes est définie par le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil de personnes, par la menace de recours ou le recours à la force ou à d’autres formes de contrainte, par enlèvement, fraude, tromperie, abus d’autorité ou d’une situation de vulnérabilité, ou par l’offre ou l’acceptation de paiements ou d’avantages pour obtenir le consentement d’une personne ayant autorité sur une autre aux fins d’exploitation.
De plus, la Convention Interaméricaine sur la Traite des Mineurs prévoit, à l’article 7, que “les États parties s’engagent à adopter des mesures efficaces, dans le cadre de leur droit interne, pour prévenir et réprimer sévèrement la traite internationale des mineurs”. Enfin, l’article 18 de la Convention du Conseil de l’Europe sur la Traite dispose que “Chaque Partie adopte les mesures législatives et autres dispositions nécessaires pour conférer le caractère d’infraction pénale aux actes visés à l’article 4 de la Convention”.
Quant à la nécessité d’éviter la criminalisation des victimes de la traite pour des infractions liées à cette dernière, les Principes et Directives concernant les Droits de l’Homme et la Traite des Êtres Humains du HCDH (E/2002/68/Add.1) précisent, dans la directive 2, que les États devraient :
Veiller à ce que les victimes de la traite ne soient pas poursuivies pour violation des lois sur l’immigration ou pour les activités auxquelles elles se livrent en conséquence directe de leur situation de victimes de la traite.
En outre, la ligne directrice établit que les victimes de la traite ne doivent en aucun cas être placées en détention d’immigration ou dans d’autres formes de garde à vue. La ligne directrice 5 prévoit de même que les États garantissent que les trafiquants soient et restent au centre des stratégies de lutte contre la traite des êtres humains, et que les efforts des représentants de la loi ne fassent pas courir, aux victimes de la traite, des risques d’être punies pour des infractions commises en raison de leur situation. À cet égard, la Convention du Conseil de l’Europe sur la Traite des Êtres Humains contient, dans son article 26, une disposition de non-sanction qui établit que :
Chaque Partie prévoit, conformément aux principes fondamentaux de son système juridique, la possibilité de ne pas imposer de sanctions aux victimes pour leur participation à des activités illégales, dans la mesure où elles y ont été contraintes.
En ce qui concerne la question de la protection des victimes de la traite, l’article 6 du Protocole relatif à la Traite contient une liste de dispositions consacrées à l’assistance et à la protection des victimes de la traite, y compris pendant les procédures judiciaires liées au crime en question. De même, les articles 10, 11, 12, 13, 14 et 15 de la Convention du Conseil de l’Europe contre la Traite des Êtres Humains contiennent certaines dispositions relatives à la protection et à l’assistance aux victimes de la traite. L’article 10 de la Convention du Conseil de l’Europe contre la Traite contient des mesures visant à protéger et à promouvoir les droits des victimes. Il dispose que “Chaque Partie mette à la disposition de ses autorités des personnes compétentes, formées et qualifiées, pour prévenir et combattre la traite des êtres humains, pour identifier et aider les victimes, y compris les enfants”. En outre, la disposition exige des États qu’ils “adoptent les mesures législatives ou autres nécessaires pour identifier les victimes, le cas échéant, en collaboration avec d’autres parties et les organisations de soutien concernées”.
D’autres dispositions relatives à la protection et à l’assistance aux victimes de la traite concernent l’identification des victimes, la protection de leur vie privée, de leurs données personnelles et de leur identité, l’assistance aux victimes dans leur rétablissement physique, psychologique et social, l’accès des victimes au marché du travail, l’octroi d’un délai de rétablissement et de réflexion afin que la victime “se remette et échappe à l’influence des trafiquants et/ou prenne une décision en connaissance de cause sur la coopération avec les autorités compétentes”, l’octroi d’un titre de séjour renouvelable aux victimes de la traite, et enfin l’accès des victimes à une indemnisation et à une réparation juridique. D’autres mesures concernant la protection des victimes de la traite seront analysées dans la section suivante.
L’article 8 du Protocole Facultatif à la Convention relative aux Droits de l’Enfant concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants dispose que :
Les États parties adoptent des mesures appropriées pour protéger les droits et les intérêts des enfants victimes à tous les stades de la procédure pénale, en reconnaissant la vulnérabilité des enfants victimes et en adaptant les procédures pour tenir compte de leurs besoins particuliers ; en informant les enfants victimes de leurs droits ; en permettant que leurs vues, besoins et préoccupations soient présentés et pris en considération dans les procédures lorsque leurs intérêts personnels sont concernés ; en fournissant des services de soutien appropriés aux enfants victimes tout au long de la procédure judiciaire ; en protégeant la vie privée et l’identité des enfants victimes.
Il s’agit de fournir aux migrants qui sont devenus victimes de la traite des personnes une protection et une assistance, telles que des mesures de rétablissement physique, psychologique et social, ainsi que des mesures leur permettant de rester dans le pays de destination, de manière temporaire ou permanente, en facilitant l’accès des victimes à la justice, y compris par une réparation et indemnisation.
Les Principes et Directives Recommandés concernant les Droits de l’Homme et la Traite des Êtres Humains prévoient que “les États veillent à ce que les victimes de la traite soient protégées contre toute nouvelle exploitation et tout nouveau préjudice et aient accès à des soins physiques et psychologiques adéquats”.
L’article 6 du Protocole Relatif à la Traite des Personnes, concernant l’assistance et la protection des victimes de la traite des personnes, prévoit que “chaque État partie protège la vie privée et l’identité des victimes de la traite des personnes, notamment en rendant confidentielles les procédures judiciaires relatives à cette traite”. En outre, la disposition exige des États qu’ils veillent à ce que leur système juridique ou administratif interne contienne des mesures qui fournissent aux victimes de la traite des personnes : des informations sur les procédures judiciaires et administratives pertinentes, et une assistance pour permettre la présentation et l’examen de leurs opinions et préoccupations aux stades appropriés de la procédure pénale contre les auteurs d’infractions. La disposition prévoit également des mesures visant à :
Assurer le rétablissement physique, psychologique et social des victimes de la traite des personnes, et en particulier leur fournir : un logement approprié, des conseils et des informations, notamment en ce qui concerne leurs droits légaux ; une assistance médicale, psychologique et matérielle ; et des possibilités d’emploi, d’éducation et de formation.
Enfin, l’article en question précise que “Chaque État partie doit s’efforcer d’assurer la sécurité physique des victimes de la traite des personnes pendant qu’elles se trouvent sur son territoire”. L’article 39 de la Convention relative aux Droits de l’Enfant exige des États qu’ils “prennent toutes les mesures appropriées pour favoriser la réadaptation physique et psychologique et la réinsertion sociale de l’enfant victime de toute forme de violence”.
Par ailleurs, l’article 8 du Protocole Facultatif à la Convention relative aux Droits de l’Enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants établit que :
Les États parties adoptent des mesures appropriées pour protéger les droits et les intérêts des enfants victimes des pratiques interdites par le présent protocole à tous les stades de la procédure pénale, en particulier : en reconnaissant la vulnérabilité des enfants victimes ; en informant les enfants victimes de leurs droits ; en tenant compte des vues, des besoins et des préoccupations des enfants victimes dans les procédures judiciaires ; en protégeant la vie privée et l’identité des enfants victimes et en évitant les retards inutiles dans le règlement des affaires et l’exécution des ordonnances ou des décrets accordant une indemnisation aux enfants victimes.
L’article 7 (2) (b) et (c) de la Convention de l’OIT sur les Pires Formes de Travail des Enfants exige que les États prennent des mesures efficaces et opportunes pour assurer la réhabilitation et l’intégration sociale des enfants victimes des pires formes de travail, y compris la traite.
En Europe, la Convention du Conseil de l’Europe contre la Traite des Êtres Humains prévoit, dans l’article 10, l’identification des victimes de la traite comme un instrument de protection. En outre, l’article 11 de la Convention prévoit la protection de la vie privée des victimes, en stipulant que “Chaque Partie protège la vie privée et l’identité des victimes”. L’article 12 prévoit que :
Chaque Partie adopte les mesures législatives ou autres qui se révèlent nécessaires pour aider les victimes à se rétablir physiquement, psychologiquement et socialement. Cette assistance comprend au moins : un niveau de vie permettant d’assurer leur subsistance, tel qu’un logement approprié et sûr, une assistance psychologique et matérielle ; l’accès à des traitements médicaux d’urgence, à des services de traduction et d’interprétation, à des conseils et à des informations, à une assistance permettant de présenter et de faire valoir leurs droits et intérêts aux stades appropriés de la procédure pénale engagée contre les auteurs d’infractions, et l’accès des enfants à l’éducation.
Dans sa jurisprudence, la Cour Européenne des Droits de l’Homme est revenue sur les obligations des États en matière de protection des victimes de la traite[2].
En ce qui concerne les mesures nécessaires pour permettre aux victimes de la traite de rester dans le pays de destination, il convient de noter que l’article 14 de la Convention du Conseil de l’Europe contre la Traite des Êtres Humains prévoit que :
Chaque Partie délivre un titre de séjour renouvelable aux victimes, dans l’une ou l’autre des deux situations suivantes : lorsque l’autorité compétente estime que leur séjour est nécessaire en raison de leur situation personnelle ; lorsque l’autorité compétente estime que leur séjour est nécessaire aux fins de leur coopération avec les autorités compétentes dans le cadre d’une enquête ou d’une procédure pénale.
Le paragraphe 2 de cette disposition établit que “le titre de séjour pour les enfants victimes est délivré conformément à l’intérêt supérieur de l’enfant”. Le droit communautaire prévoit un permis de séjour (et un délai de réflexion) similaire, mais il convient de noter que dans les deux cas, la délivrance d’un permis peut être subordonnée à la capacité et à la volonté de la victime de coopérer avec les autorités.
L’un des projets est d’investir dans des campagnes de sensibilisation, en partenariat avec les acteurs concernés, à l’intention des migrants et des migrants potentiels, sur les risques et les dangers de la traite des personnes.
À cet égard, l’article 9, paragraphe 2, du Protocole Relatif à la Traite, consacré à la question de la prévention de la traite, précise que “les États parties doivent s’efforcer de prendre des mesures telles que des recherches, des campagnes d’information et des campagnes dans les médias ainsi que des initiatives sociales et économiques pour prévenir et combattre la traite des personnes”.
L’article 5, paragraphe 2, de la Convention du Conseil de l’Europe dispose que :
Chaque Partie établit et/ou renforce des politiques et programmes efficaces pour prévenir la traite des êtres humains, par des moyens tels que : la recherche, l’information, des campagnes de sensibilisation et d’éducation, des initiatives sociales et économiques et des programmes de formation, en particulier pour les personnes vulnérables à la traite et pour les professionnels concernés par la traite des êtres humains.
De même, l’article 9, paragraphe 2, du Protocole Facultatif à la Convention relative aux Droits de l’Enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, dispose que :
Les États parties sensibilisent le grand public, y compris les enfants, par l’information, à travers tous les moyens appropriés, l’éducation et la formation, sur les mesures préventives et les effets néfastes des infractions visées dans le présent protocole. En s’acquittant de leurs obligations au titre du présent article, les États parties encouragent la participation de la communauté et, en particulier, des enfants et des enfants victimes, à ces programmes d’information, d’éducation et de formation.
En outre, le Plan d’Action de l’OSCE pour Lutter contre la Traite des Êtres Humains comprend les mesures suivantes à prendre au niveau national : entreprendre, en coopération avec la société civile et les organisations non gouvernementales, des campagnes d’information pour sensibiliser le public à la traite sous ses diverses formes ; sensibiliser davantage les autorités d’immigration et le personnel consulaire et diplomatique à la traite ; sensibiliser davantage d’autres groupes cibles concernés, notamment les décideurs, les agents des services répressifs et d’autres professionnels concernés ; enfin, sensibiliser les médias, car la perception du problème de la traite des êtres humains telle qu’elle est présentée par les médias doit comporter une explication claire du phénomène et une image réaliste des victimes.
Conclusion
Comme démontré ci-dessus, malgré la nature non-juridiquement contraignante du Pacte Mondial pour les Migrations, qui se limite à un rôle d’orientation pour les États parties, ses objectifs trouvent un équivalent dans plusieurs instruments internationaux qui sont juridiquement contraignants et représentent donc la norme à laquelle les États parties aux instruments respectifs doivent se conformer. À cet égard, nous avons démontré comment le PMM résume et intègre toutes les obligations déjà contraignantes pour les États sur la base des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme analysés ci-dessus.
[1] United Nations Office on Drugs and Crime, Global Report on Trafficking in Persons (United Nations publication, Sales No. E. 16.IV.6)
[2] Rantsev v. Cyprus and Russia (application No. 25965/04), judgment of 7 January 2010; M. and other v. Italy and Bulgaria (application No. 40020/03), judgment of 31 July 2012; J. and others v. Austria (application No. 58216/12), judgment of 17 January 2017.