Indicateurs du PMM – Objectif 13: Détenir les migrants uniquement en dernier recours et travailler à des alternatives

Article de blog écrit par Justine N. Stefanelli (British Institute of International and Comparative Law), et publié en anglais sur le blog du Refugee Law Initiative examinant la mise en œuvre du Pacte mondial pour une migration sûre, ordonnée et régulière (PMM).Traduction réalisée par Clotilde Girard, Thomas Lautrou-Cabasson et Louisa Savinel (Cliniciens de la Clinique Juridique Hijra).


Le Pacte mondial des Nations Unies sur les migrations sûres, ordonnées et régulières a souligné l’importance de la protection contre le recours illégal à la détention dans son objectif 13.

L’objectif 13 est ambitieux et important. Il comprend un certain nombre d’actions ciblées conçues pour garantir que la détention ne soit utilisée qu’en dernier recours et que le recours à des alternatives soit privilégié. Mais il est également important d’identifier des indicateurs permettant de déterminer si l’objectif 13 atteint effectivement ses objectifs. Cet article traite de cinq d’entre eux et contient des références à certains principes internationaux pertinents [1].

1. Pas de détention sans loi (Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques – PIPDCP, art. 9 (1), 12 (3) ; Convention sur les travailleurs migrants, art 16 (4))

Pour que la détention soit légale, il doit exister une base légale. Ce principe d’état de droit exige que la loi nationale elle-même définisse les critères et la procédure de détention, et que les règles applicables soient claires et accessibles. Cela peut être vérifié en s’assurant que la loi énonce clairement les motifs de privation de liberté et, puisque le PMM est ancré dans les droits de l’homme, que la loi est conforme aux principes internationaux des droits de l’homme. De plus, le motif applicable dans un cas individuel doit être clairement indiqué sur l’ordre de détention écrit.

2. Présomption légale de détention (PIDCP, art 12 (3) & Observation générale 35 (2014))

L’objectif principal de l’objectif 13 étant de garantir que les États n’utilisent la détention qu’en dernier recours, la loi devrait inclure une présomption contre la détention. La présomption devrait s’accompagner d’une obligation de déterminer d’abord s’il est possible d’appliquer une solution de remplacement à la détention, telle que les exigences en matière de rapport ou le marquage électronique. Un certain nombre de sous-indicateurs sont pertinents. Bien sûr, il va de soi que la loi dispose que la détention ne doit être utilisée qu’en dernier recours et que des solutions de remplacement doivent être envisagées. En outre, il est essentiel de déterminer si, dans la pratique, des solutions de remplacement sont envisagées dans chaque cas. Cela peut être réalisé en exigeant des autorités décisionnelles qu’elles indiquent dans la décision de détention les raisons pour lesquelles elles refusent d’appliquer des solutions de remplacement. Cela permettra aux organismes qui examinent la mise en œuvre du PMM de déterminer si, en réalité, les solutions de remplacement sont suffisamment prises en compte par les autorités décisionnelles.

En outre, des indicateurs empiriques peuvent éclairer la mise en œuvre de l’objectif 13.Il s’agit notamment du nombre de personnes entrant et sortant de détention sur une base mensuelle et/ou annuelle, le nombre de personnes en détention en pourcentage de la population immigrée et le pourcentage d’immigrés soumis à des alternatives.

3. Interdiction légale de la détention arbitraire (PIDCP, art 12 (3))

L’objectif 13 prévoit que la détention ne doit pas être arbitraire. Cela signifie que, en plus d’énoncer les motifs de détention dans la loi, celle-ci devrait prévoir que la détention puisse être nécessaire, raisonnable et proportionnée dans certains cas particuliers. Cela signifie que la loi ne devrait pas prévoir la détention pour toute une catégorie de non-citoyens, tels que les délinquants étrangers. Les décideurs en matière de détention doivent examiner le cas de chaque individu individuellement. Par conséquent, des procédures doivent être en place pour garantir que la nécessité, le caractère raisonnable et la proportionnalité de la détention sont considérés comme faisant partie intégrante du processus décisionnel en matière de détention. À cet égard, il est crucial de disposer d’une méthode d’évaluation des risques qualitative et équitable, capable de prendre en compte les nuances dans le cas d’un individu et qui n’est pas entièrement automatisée. Le nombre de cas de détention arbitraire vérifié chaque année serait donc un indicateur empirique essentiel. Cela peut être déterminé en veillant à ce qu’il existe des recours adéquats contre la détention illégale et à ce que les statistiques relatives au contrôle juridictionnel soient publiées au moins une fois par an.

4. Recours contre la détention illégale (PIDCP, art. 7, 9 (4) à (5) ; Convention sur les travailleurs migrants, art. 16 (8) à (9)) ; CDE, art 37 (d))

Comme indiqué ci-dessus, l’existence de recours contre une détention illégale est essentielle pour garantir la réalisation de l’objectif 13. L’existence d’une procédure de caution/probation et d’un contrôle juridictionnel de la détention contribue à protéger contre les utilisations illégales de la détention en obligeant les États à rendre des comptes dans la mise en œuvre de leurs cadres de détention. Un certain nombre d’indicateurs sont pertinents ici.

À l’origine, le droit de demander une caution ou une probation doit être défini dans la législation nationale. De même, le droit de demander un contrôle juridictionnel de la détention doit être fondé sur une base légale. En outre, la loi devrait exiger que la détention soit réexaminée périodiquement au niveau administratif et que des motifs écrits soient communiqués aux détenus à la suite de toute décision de maintien en détention. Certains indicateurs de régularité de la procédure ont ici un rôle à jouer, par exemple si la loi accorde aux détenus le droit à un conseil ou à une représentation juridique pendant leur détention, si les détenus sont périodiquement informés de leurs droits par un conseil juridique et si la loi oblige l’État à fournir aux détenus les motifs écrits de leur détention dans une langue qu’ils peuvent comprendre. Il est également important que la loi accorde aux personnes illégalement détenues le droit à une indemnisation adéquate reflétant la violation de leurs droits. Pour s’assurer que cela se produit dans la pratique, les indicateurs empiriques incluent le nombre de demandes de cautions/ probations déposées chaque année, le nombre accordé, le nombre de révisions judiciaires déposées chaque année, et le nombre de décisions de détention déclarées illégales chaque année par le biais d’un contrôle juridictionnel. Les faibles taux de demande de mise en liberté sous caution ou sous contrôle judiciaire pourraient indiquer que les détenus ne sont pas suffisamment informés de leurs droits.

5. Traitement humain en détention (PIDCP, art 10 (1); Convention sur les travailleurs migrants, art 17 (1))

Enfin, lorsque la détention est utilisée, elle doit être utilisée avec humanité. Cela signifie que le cadre juridique de la détention doit prendre en compte les besoins des personnes ayant des besoins ou des vulnérabilités spécifiques, tels que les enfants, les malades mentaux, les familles et les femmes enceintes. Cela signifie également que les détenus devraient être autorisés à rendre visite à leur famille, à leurs amis, aux représentants d’ONG et à leurs représentants légaux. Pour que cela se produise dans la pratique, il convient de mettre en place un système garantissant une inspection indépendante et régulière des lieux de détention. De manière empirique, une mise en œuvre appropriée peut être évaluée en examinant le pourcentage de personnes en détention qui ont été visitées par les groupes susmentionnés au cours d’une période donnée, par exemple une fois par trimestre ou une fois par an, le pourcentage de lieux de détention ayant fait l’objet d’une visite d’inspection indépendante chaque année et le pourcentage de lieux de détention offrant un système de plainte pour les personnes en détention.

Conclusion

Les indicateurs jouent un rôle important dans la bonne mise en œuvre du MCG. Ils montrent comment les cadres nationaux d’immigration fonctionnent dans la pratique et contribuent à mettre en évidence l’existence de problèmes. Ce n’est qu’en mesurant l’utilisation de la détention par le pays que le PMM pourra atteindre son objectif consistant à faire en sorte que la détention soit réellement utilisée en dernier recours.


[1] Bien que cet article se concentre sur cinq indicateurs, de nombreux autres indicateurs seraient pertinents, tels que ceux développés par l’Office des Nations Unis contre la Drogue et le Crime (ONUDC) et le HCR, dont certains ont été adaptés ici pour un usage général.