Indicateurs du PMM – Objectif 14: Améliorer la protection, l’assistance et la coopération consulaires tout au long du cycle de la migration

Article de blog écrit par Stéphanie Grant (chercheuse indépendante) et publié en anglais sur le blog du Refugee Law Initiative examinant la mise en œuvre du Pacte mondial pour une migration sûre, ordonnée et régulière (PMM). Traduction réalisée par Angel Fernandez, Clotilde Girard et Bastien Gattegno (Cliniciens de la Clinique Juridique Hijra).


Le Pacte mondial pour les migrations attribue aux autorités consulaires un rôle important dans la protection des droits de l’Homme de leurs ressortissants et dans l’action collective en faveur de la protection de la communauté des migrants dans son ensemble

L’engagement de base se trouve dans l’objectif 14. Les États ont pris un double engagement : renforcer la protection consulaire et l’assistance à leurs ressortissants, et renforcer aussi la coopération consulaire entre les États « afin de mieux protéger les droits et les intérêts de tous les migrants à tout moment ». La formulation doit être saluée : la protection et l’assistance consulaires sont présentées comme des droits auxquels tous les migrants peuvent s’attendre et qui doivent être accessibles à une population de migrants plus large que les nationaux du pays. Les actions pratiques comprennent : l’aide à la protection des nationaux vulnérables, la délivrance de documents de voyage et d’identité, l’aide aux migrants et à leurs familles dans la recherche de leurs proches disparus, en particulier les enfants non accompagnés, et le conseil aux détenus et prisonniers sur les lois et les coutumes locales.

Les consuls se voient également attribuer un rôle explicite dans la réalisation d’autres objectifs : veiller à ce que les migrants aient la preuve de leur identité légale et de leurs papiers d’identité [objectif 4], assister les migrants en détention [objectif 13] et contribuer à assurer la sécurité et la dignité pendant le processus de retour [objectif 21]. Leur rôle est implicite dans d’autres situations : par exemple quand les travailleurs migrants perdent leur passeport du fait d’employeurs exploiteurs [objectif 6].

Ce sont des fonctions consulaires communes, reconnues par le droit international [1]. Dans le même temps et parallèlement, ils jouent un rôle déterminant dans la protection des droits des migrants en vertu du droit international humanitaire. Le droit de l’État de protéger et d’aider ses ressortissants à l’étranger va de pair avec ses obligations en matière de droits de l’Homme. Ainsi, lorsqu’un consulat enregistre la naissance d’un enfant, il procède à la fois à un enregistrement civil en vertu du droit national et au respect du droit de l’enfant d’être enregistré en vertu du droit international humanitaire. L’importance de la protection et de la garantie de l’identité juridique (en parallèle avec la personnalité juridique de l’individu), dont la documentation est un élément essentiel, est maintenant bel et bien reconnue comme étant essentielle au développement durable.

Les principes des droits de l’Homme sont donc un point de départ essentiel pour mesurer les actions des États en vue de la mise en œuvre du Pacte.

Quatre séries d’indicateurs :

1. Sauvegarde des Droits de l’Homme

L’objectif 14 engage les États à renforcer la protection et l’assistance consulaires afin de protéger les droits et les intérêts des migrants. Parallèlement, le droit international des droits de l’Homme donne aux migrants et à leurs familles le droit à une protection et à une assistance consulaires lorsque leurs droits en tant que travailleurs migrants sont compromis [2].

Les premiers indicateurs devraient donc évaluer la mesure dans laquelle les activités consulaires sont définies dans le cadre des droits de l’Homme. Les gouvernements émettent couramment des instructions consulaires qui déterminent les fonctions de leurs consulats à l’étranger.

Les indicateurs peuvent inclure :

  • Ces instructions exigent-elles des consuls qu’ils agissent conformément au droit international des droits de l’Homme ?
  • Le personnel consulaire est-il formé aux droits de l’Homme ?
  • La discrimination est-elle explicitement interdite ?
  •  Les États ont-ils ratifié la Convention sur les travailleurs migrants ?

2. Garantir l’identité légale

Les consuls accomplissent les tâches des systèmes nationaux d’enregistrement de l’état civil à l’étranger : enregistrer et certifier les naissances, les mariages ou les décès. Ce faisant, ils protègent l’identité juridique et le droit à la reconnaissance de sa personnalité juridique en fournissant aux ressortissants nationaux des preuves documentaires de leur naissance, de leur nationalité et de leur identité. L’enregistrement des naissances est fondamental pour que l’enfant ait le droit d’être reconnu juridiquement : la délivrance d’un acte de naissance protège le droit de l’enfant à un nom et à l’acquisition d’une nationalité, préserve l’identité et prévient les cas d’apatridie.

L’objectif 4 engage les États « à réaliser le droit de tout individu à une identité légale en fournissant à tous ses ressortissants une preuve de sa nationalité », à veiller également à ce que « les migrants reçoivent « une documentation adéquate et des documents d’état civil tels que les actes de naissance, de mariage et de décès comme moyens de donner aux migrants le pouvoir d’exercer efficacement leurs droits fondamentaux ». De manière significative, la deuxième partie de cet engagement ne se limite pas aux ressortissants d’un État.

L’objectif 21 concerne le retour des migrants dans leur pays de nationalité, il encourage les agents consulaires à assister au processus de retour en fournissant des documents de voyage et « d’autres services » afin de « garantir », entre autres, la sécurité et la dignité des migrants.

Le deuxième ensemble d’indicateurs devrait donc mesurer le degré de mise en œuvre des systèmes d’état civil par les consuls de manière compatible avec le Pacte mondial pour les migrations.

Les indicateurs peuvent inclure :

  • Quelles mesures sont prises pour informer les ressortissants à l’étranger de leur droit d’enregistrer le mariage, la naissance ou un enfant ou tout autre changement d’état civil ?
  • Quelles mesures sont prises pour accroître la sensibilité du personnel consulaire aux questions ethniques et de genre ?
  • Les hommes et les femmes sont-ils traités sur un pied d’égalité et les femmes reçoivent-elles des documents en leur propre nom ?
  • En cas de catastrophe ou de conflit humanitaire, quelles mesures les consuls prennent-ils pour restaurer les documents personnels perdus ou détruits (certificats de naissance, de mariage et de décès, passeports, pièces d’identité et documents de voyage, par exemple) ?
  • Les consuls ont-ils pour instructions de mettre en œuvre l’objectif de développement durable 16.9 des Nations Unies [3] ?

Protection des vulnérables

L’objectif 7 engage les États à aider et à protéger les droits fondamentaux des migrants vulnérables, notamment en défendant les meilleurs intérêts de l’enfant à tout moment. L’objectif 14 encourage les États à renforcer les capacités consulaires d’identification, de protection et d’assistance des migrants vulnérables, y compris les victimes de violations des droits de l’Homme et du travail, de victimes de la traite et du trafic de migrants et les travailleurs exploités. L’objectif 8 encourage les États à engager des efforts internationaux coordonnés contre la disparition de migrants, notamment par le biais de la coopération consulaire.

La défense des intérêts des mineurs est une fonction consulaire protégée en vertu du droit international. Le droit international des droits de l’Homme confère à tout enfant « les mesures de protection requises par son statut de mineur de la part l’État ». La CDE exige en outre que l’intérêt supérieur de l’enfant soit une considération primordiale dans toutes les actions des autorités administratives concernant les enfants [4].

Le troisième ensemble d’indicateurs devrait donc mesurer les mesures prises par les consuls pour protéger les droits des migrants vulnérables, à commencer par les enfants.

Les indicateurs peuvent inclure :

  • Des informations sont-elles disponibles sur le fait que l’enregistrement de la naissance d’un enfant est un droit, est nécessaire pour prévenir l’apatridie et contribue à faire en sorte que l’enfant ait accès à d’autres droits tels que l’éducation ou la santé ?
  • Les agents consulaires sont-ils formés à des actions en faveur des enfants, axées sur les droits de l’Homme, tenant compte des spécificités de genre ?
  • Les agents consulaires sont-ils formés à la détermination de l’intérêt supérieur de l’enfant ?
  • Lors de crises humanitaires, les consuls sont-ils chargés de fournir des documents ou de remplacer les documents perdus aux survivants, quelle que soit leur nationalité [5]?
  • En cas de perte, de conflit ou de catastrophe, les enfants orphelins, non accompagnés et séparés reçoivent-ils leur propre document d’identité personnel [6] ?
  • Les consuls sont-ils formés à la protection des autres migrants vulnérables, y compris ceux victimes de la traite ?

Protection du droit à une procédure régulière

L’Objectif 13 engage les États à suivre une procédure régulière en matière de détention des migrants. Les États sont encouragés à faire en sorte que les migrants détenus aient le droit de communiquer sans délai avec leurs missions consulaires ou diplomatiques. Ce droit de notification consulaire est bien établi en droit international, les consuls ont le droit d’assister les personnes placées en détention, entre autres, par des visites, des conseils, l’organisation d’une représentation légale et la garantie d’une procédure régulière [7]. Cela est important pour surmonter les obstacles particuliers rencontrés par les migrants pris dans un système de justice pénale différent, notamment en langue étrangère et d’une culture, de lois et pratiques nationales méconnues. Les consuls aident à protéger les droits du migrant en matière de droit à un procès équitable en fournissant des informations et un accès à des conseils juridiques indépendants.

Le quatrième ensemble d’indicateurs devrait donc mesurer les mesures prises par les autorités consulaires pour garantir le respect des droits de la procédure.

Les indicateurs peuvent inclure :

  • Les instructions consulaires font-elles référence aux normes internationales des droits de l’Homme protégeant les détenus et les prisonniers[8], et plus particulièrement aux droits à une procédure régulière et à l’interdiction de la torture, des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ?
  • Les agents consulaires reçoivent-ils une formation à ces normes ?
  • Quelles mesures sont prises lorsque les détenus ne sont pas informés des raisons de leur détention dans une langue qu’ils comprennent, ne sont pas assistés pour pouvoir se communiquer avec leurs missions consulaires ou diplomatiques et ne sont pas aidés à obtenir des conseils et une représentation juridique indépendants?

Conclusion

Le Pacte mondial sur les migrations est un rappel opportun du rôle des consuls dans la protection des droits des migrants. Il contient un double engagement : protéger les ressortissants d’un État et agir collectivement lorsque d’autres États ne sont pas en mesure de protéger leurs ressortissants, y compris en cas de crise humanitaire. Identifier des indicateurs pour mesurer la manière dont les autorités consulaires honorent ces deux engagements est un élément essentiel de la protection des droits et des intérêts des migrants.


[1] La Convention de Vienne de 1963 relative aux relations consulaires donnent aux Etats le droit de protéger et d’assister leurs ressortissants à l’étranger.

[2] Article 23 Convention des Nations Unis relative à la protection des travailleurs migrants et des membres de leur famille.

[3] SDG 16.9, identité légale pour tous, y compris l’enregistrement des naissances.

[4] VCCR Art. 5(h).  ICCPR A.24. CRC A.3.

[5] O.7, para 23(j). IASC Guide opérationnel des Droits de l’Homme en situation de catastrophe naturelle, D.1.2, D1.3, D.1.4.

[6] e.g. UN Doc. CRC/GC/2005/6, para. 31(4).

[7] VCCR, Art. 36.

[8] Ensemble des Principes des Nations Unies pour la protection de toute personne sous toute forme de détention et emprisonnement, 1988