Indicateurs du PMM – Objectif 23: Renforcer la coopération internationale et les partenariats mondiaux pour une migration sûre, ordonnée et régulière

Article de blog écrit par le Christina Oelgemoller (Docteure, Loughborough University) et Nicholas Maple (RLI), et publié en anglais sur le blog du Refugee Law Initiative examinant la mise en œuvre du Pacte mondial pour une migration sûre, ordonnée et régulière (PMM). Traduction réalisée par Lisa Hée et Adèle Ichanjou (cliniciennes de la Clinique Juridique Hijra).


L’objectif 23, qui se concentre spécifiquement sur les défis posés par un développement inégal, vise à ce que les États participants se soutiennent mutuellement dans la réalisation des objectifs et des actions définis par le PMM.

Il s’agit en particulier de tenir compte de la relative faiblesse financière et des ressources de “certains pays africains, pays les moins avancés, pays en développement sans littoral, petits États insulaires en développement et pays à revenu intermédiaire”. L’objectif exige des États qu’ils renforcent la coopération internationale en matière de partenariat et de solidarité, en accordant une attention particulière au soutien aux États qui disposent de moins de moyens pour remplir leurs obligations – comme le prévoit la Déclaration sur le droit au développement, articles 3, 4 et 6 tirant la justiciabilité de la Charte des Nations Unies, PIDESC, art. 2 ainsi que d’autres instruments [1] et, plus récemment, les instruments de l’OCDE.

Lors de l’examen des actions convenues pour l’objectif 23, nous [Christina Oelgemoller et Nicholas Maple] suggérons les indicateurs d’évaluation suivants pour assurer la coopération. Une véritable coopération est indispensable pour éviter le risque que les Etats du Nord ne fassent que compléter leur seule part de responsabilité dans l’accueil et l’hébergement des migrants : les Objectifs de Développement Durable (ODD) indiquent clairement que l’effort de développement durable ne doit pas être confondu avec un simple apport d’aide. En tant que telle, la coopération est active, participative et fondée sur l’égalité telle qu’elle est exprimée dans les instruments ci-dessus et élaborée en vue d’une mise en œuvre dans la Déclaration de Paris et le Programme d’action d’Accra de l’OCDE.

1. L’inclusivité par la participation (p. ex. PIDCP, art. 25)

De nombreux intervenants doivent participer à la mise en œuvre du PMM puisqu’il est fondé sur une approche pangouvernementale et sociale. L’inclusivité par rapport au PMM signifie que les parties prenantes énumérées au paragraphe 44 sont activement impliquées. Par exemple, la participation active des migrants et de leurs organisations est assurée en leur permettant de circuler librement et de s’exprimer librement. Un autre exemple de réussite en matière d’inclusion est de voir comment les autorités locales qui supportent la plus grande partie de la mise en œuvre sont soutenues par l’allocation de ressources et disposent de canaux de communication pour l’élaboration de politiques plus larges et la collaboration internationale. De telles mesures garantiront l’efficacité et l’orientation vers les résultats. Ce caractère inclusif devrait être participatif et attesté dans tous les documents d’orientation régionaux, nationaux et infranationaux pertinents qui seront élaborés dans le cadre du processus de mise en œuvre du PMM. Les lois et politiques qui existent déjà devraient être mises à l’épreuve par rapport à cet indicateur.

2. Appropriation en utilisant les systèmes locaux comme expression de l’autodétermination (p. ex. art. commun 1 PIDCP et PIDESC)

Lorsque l’appui financier et technique est étendu et afin d’assurer une coopération et un partenariat véritables, cette collaboration doit être entreprise de manière à ce que les bénéficiaires de l’aide soient en mesure d’assumer la responsabilité et la maîtrise de la programmation. Il s’agit notamment de s’appuyer sur les systèmes locaux conformément au principe de la dévolution des pouvoirs. La programmation doit être pertinente pour les communautés qu’elle cible. Cela peut s’exprimer dans les lignes directrices pour la planification des interventions et des demandes de soutien, ainsi que dans les instruments de passation de marchés et d’établissement de rapports.

3. La non-conditionnalité (par exemple la Déclaration de Paris de l’OCDE et le Programme d’action d’Accra)

Dans la mesure du possible et en tant qu’expression pratique de la non-discrimination, l’aide financière et technique devrait être accordée sous la forme d’une subvention non conditionnelle en règle générale. En outre, lorsqu’un soutien infrastructurel est convenu, ce soutien financier et technique devrait être fourni sous une forme non militarisée afin de garantir que la liberté de quitter[2] et l’intégrité physique des personnes[3] ne soient pas compromises. Malgré les prétentions à la prérogative souveraine, le partenariat pour la sécurité de la mobilité doit être au cœur des activités de coopération. Cet engagement peut se manifester en s’abstenant d’alourdir le fardeau de la dette et en rendant les migrants plus vulnérables que beaucoup ne le sont déjà, ce qui garantit une approche éthique de la collaboration et de la mobilité des personnes. Cela devrait non seulement se refléter dans les accords de coopération, mais aussi dans les achats et les contrats des partenaires d’exécution.

4. La transparence (dérivé, par exemple Déclaration sur le droit au développement, art. 3, 4 et 6)

Cet indicateur concerne naturellement la transparence dans la gestion financière en ce qui concerne la mise en œuvre. De même, cependant, cela inclut également la possibilité d’un examen public des examens entrepris, par exemple, pour assurer la cohérence des politiques en ce qui concerne l’architecture juridique et politique de l’État en matière de migrations internationales. Ces examens devraient être entrepris en collaboration avec les partenaires identifiés dans le PMM. En outre, la transparence est également importante pour ce qui est d’assurer une programmation fondée sur des données factuelles qui reflète la dynamique du genre et d’autres dynamiques de pouvoir susceptibles d’introduire ou de maintenir des préjugés, garantissant ainsi le respect des instruments des droits de l’homme. La transparence peut être mesurée par la participation active et ouverte des Etats au Réseau des Nations Unies sur les migrations et par l’invitation ouverte aux rapporteurs et représentants spéciaux des Nations Unies concernés.

5. La responsabilité (dérivée, par exemple de la Déclaration sur le droit au développement, art. 1-4 et 8)

Il s’agit de l’obligation de rendre des comptes les uns aux autres et aux diverses parties prenantes au sein des États, ainsi que dans le contexte du système des Nations Unies. L’obligation de rendre compte des politiques et des pratiques devrait être attestée par la participation à une activité de type EPU (Examen Périodique Universel).  L’obligation de rendre compte d’une véritable coopération devrait également être plus pratique, par exemple en offrant la réinstallation dans le cas de migrants vulnérables ayant besoin d’une assistance humanitaire spéciale lorsqu’un pays possède les compétences nécessaires pour atténuer les souffrances ou en facilitant l’accès au recrutement international pour permettre aux migrants d’avoir des moyens de subsistance plus durables. De cette façon, les États peuvent prouver leur coopération active dans les cas où la charge quantitative sur les services sociaux / le système de protection sociale d’un pays a atteint ou a dépassé sa capacité.

Conclusion

Le Pacte mondial sur les migrations vise à encadrer les migrations internationales de manière normative en s’appuyant sur les instruments relatifs aux droits de l’homme et l’Agenda 2030 pour le Développement Durable. Il énonce donc clairement l’universalité de la coopération pour faire en sorte que toutes les vies, y compris celles des personnes mobiles, soient protégées contre tout danger et qu’elles puissent atteindre le bien-être. En termes de coopération, cela signifie qu’il ne suffit pas que les pays donateurs riches achètent pour se soustraire à leurs responsabilités et à leurs obligations envers les migrants. La mesure la plus importante pour la mise en œuvre de l’objectif 23 est la coopération entre les pays, de sorte que l’accent est mis sur la capacité d’un migrant à (re)construire des moyens de subsistance durables dans les endroits qu’il choisit librement.


[1] Voir, par exemple, la Déclaration universelle des droits de l’homme, la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, la Convention relative aux droits de l’enfant, la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

[2] Voir, par exemple, l’article 12 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, l’article 10 de la Convention relative aux droits de l’enfant et l’article 8 de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

[3] Voir les articles 6, 7, 8 et 9 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.