Indicateurs du PMM – Objectif 22: Mettre en place des mécanismes de portabilité des droits de sécurité sociale et des avantages acquis

Article de blog écrit par Paul Minderhoud (Docteur, Radboud University Nijmegen, Pays Bas) et publié en anglais sur le blog du Refugee Law Initiative examinant la mise en œuvre du Pacte mondial pour une migration sûre, ordonnée et régulière (PMM). Traduction réalisée par Emmanuelle Daerys, Clotilde Girard et Thomas Lautrou-Cabasson (Cliniciens de la Clinique Juridique Hijra).


L’objectif 22 vise à aider les travailleurs migrants à tous les niveaux de qualification à avoir accès à la protection sociale dans les pays de destination et à bénéficier de la transférabilité des droits de sécurité sociale applicables et des prestations acquises.

L’importance de la portabilité des bénéfices sociaux au-delà des frontières augmente en parallèle au nombre absolu de migrants internationaux et de leur part dans la population mondiale, et encore plus en fonction du nombre croissant de la population mondiale qui, pour une partie de leur vie, travaille ou prend sa retraite à l’étranger. Pour atteindre l’objectif de transférabilité, l’accès aux systèmes nationaux de protection sociale non discriminatoires doit d’abord augmenter. L’OIT estime que seul 29 % de la population mondiale est couvert par des systèmes de sécurité sociale complets qui couvrent toute la gamme des prestations, des prestations pour enfants et familles aux pensions de vieillesse. Ainsi, la grande majorité, moins de 71 % de la population, soit 5,2 milliards de personnes – n’est pas protégée ou ne l’est que partiellement [1]. L’établissement ou le maintien de systèmes nationaux de protection sociale non discriminatoires est prévu dans plusieurs accords de droits de l’homme, qui peuvent servir d’indicateurs. Pour améliorer ou établir pleinement la transférabilité, les accords multilatéraux et les accords bilatéraux de sécurité sociale (ABSS) sont la pièce maîtresse des accords de transférabilité actuels entre les pays. Il n’existe pas de dispositions universelles en matière de droits de l’homme qui encouragent les pratiques de transférabilité pouvant être utilisées comme indicateurs. Mais il existe certains instruments pertinents de l’OIT.

1. Mettre en place ou maintenir des systèmes nationaux de protection sociale non discriminatoires (Articles 22 et 25 de la Déclaration universelle des droits de l’homme ; articles 9, 11 et 12 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) ; article 27(1) de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille)

A cet égard, la Recommandation 202 de l’OIT de 2012 sur les seuils de protection sociale revêt également une importance significative pour évaluer leur efficacité pour la réduction de la pauvreté dans les régions pauvres. Cette recommandation reprend les normes existantes des droits de l’homme en matière de sécurité sociale en faisant référence aux instruments susmentionnés et à d’autres instruments de l’OIT tels que la convention numéro 102 concernant la sécurité sociale (norme minimum, 1952), la recommandation numéro 67 concernant la sécurité du revenu (1944), et la recommandation numéro 69 concernant les soins médicaux (1944).

Un aspect important de la recommandation est son approche de la protection sociale fondée sur les droits. Plutôt que d’envisager la protection sociale dans une perspective du bien-être, la définition des seuils de protection sociale est fondée sur les principes des droits de la personne. En définissant les planchers de protection sociale comme “des ensembles de garanties de base de la sécurité sociale qui assurent une protection visant à prévenir ou à réduire la pauvreté, la vulnérabilité et l’exclusion sociale”, la Recommandation semble s’aligner sur l’objectif principal de la protection sociale, vue comme un instrument de restructuration sociale et de réduction de la pauvreté.

L’objectif 22 du PMM renvoie explicitement à la recommandation 202 en autorisant l’utilisation des 18 principes de la présente recommandation pour atteindre l’objectif du PMM.

2. Stimuler l’extension des pratiques de portabilité des prestations à un plus grand nombre de pays

Les accords bilatéraux de sécurité sociale (ABSS) sont actuellement les accords de transférabilité les plus fréquents entre pays. Bien qu’ils puissent en principe couvrir toute la gamme des prestations sociales exportables, les ABSS se concentrent principalement sur les prestations à long terme telles que les pensions de vieillesse, de survivants et d’invalidité et, dans une moindre mesure, sur les prestations de soins de santé [2].  Mais les accords multilatéraux (AM) représentent également un cadre général de portabilité pour un ensemble de pays pour toutes ou une partie des prestations sociales. Ces règles générales sont généralement étayées par des ABSS plus détaillées. L’AM la plus développée est celle des États membres de l’UE (plus la Norvège, le Liechtenstein et la Suisse) qui n’est en fait pas une AM mais qui repose sur une législation européenne supranationale. Des AM traditionnelles ont été établies en Amérique latine (MERCOSUR) et dans les Caraïbes (CARICOM) et dans 15 pays francophones d’Afrique (CIPRES) ; une a récemment été établie entre l’Amérique latine et l’Espagne et le Portugal (Convention ibéro-américaine de sécurité sociale) et l’autre est en préparation pour les pays de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN). L’accord du Conseil de coopération du Golfe et la Déclaration de Bakou de 2005 entre les pays d’Eurasie peuvent également être mentionnés à cet égard.

Certaines conventions de l’OIT appellent explicitement à une coordination accrue de la sécurité sociale entre les pays par le biais d’accords bilatéraux et multilatéraux. De plus, elles assurent la transférabilité des droits en matière de sécurité sociale (Convention numéro 18 sur l’égalité de traitement [sécurité sociale] (1962), Convention numéro 118, Convention numéro 157 sur le maintien des droits de sécurité sociale, (1982) et recommandation numéro 167 qui les accompagne). Le problème ici est que peu de pays ont ratifié ces instruments.

La Convention n° 102 de l’OIT de 1952 est également importante à cet égard, car elle souligne la nécessité d’assurer l’égalité de traitement pour les résidents non nationaux par des accords bilatéraux ou multilatéraux prévoyant la réciprocité.

3. Pour accroître la transférabilité de la protection sociale, il est également important de collecter davantage de données sur les migrations et sur la couverture de protection sociale des migrants.

a) Recueillir davantage de données sur la migration.

Par exemple, les migrants en situation irrégulière sont généralement absents des statistiques démographiques officielles, et les migrants en général ne sont pas toujours clairement identifiés dans les données ou la législation. Au lieu de cela, l’éligibilité à la protection sociale tend à être basée sur le statut de résidence ou la nationalité. Ce manque de données sur la migration aggrave plus généralement l’inefficacité des dispositifs de protection sociale. Disposer de données sur les migrants, leurs vulnérabilités et leurs besoins permettrait d’améliorer les programmes de protection sociale pour les migrants. Par exemple, il pourrait être utilisé pour cibler les migrants qui pourraient en fait être déjà éligibles à la protection sociale ou pour créer des programmes de sensibilisation pour les groupes difficiles à atteindre facilement.

b) Recueillir davantage de données sur la couverture sociale des migrants.

Les données nationales sur les programmes de protection sociale devraient être subdivisées par nationalité et par statut de résidence (un bon indicateur du statut de migrant). Cela permettrait d’estimer la couverture sociale effective des travailleurs migrants et de gérer les implications financières de la transférabilité des prestations [3].


[1] World Social Protection Report 2017–19 Une protection sociale universelle pour atteindre les objectifs de développement durable.

[2] Pour les textes des BSSA dans le monde, voir la base de données ILO NATLEX : www.ilo.org/dyn/natlex/natlex4.search?p_lang=en

[3]  Voir: https://migrationdataportal.org/blog/four-steps-ensure-mobility-social-security-migrants