Indicateurs du PMM – Objectif 20: Promouvoir un transfert de fonds plus rapide, plus sûr et moins coûteux et favoriser l’inclusion financière des migrants

Article de blog écrit par Tugba Basaran (Docteur, Université de Cambridge) et publié en anglais sur le blog du Refugee Law Initiative examinant la mise en œuvre du Pacte mondial pour une migration sûre, ordonnée et régulière (PMM). Traduction réalisée par Clotilde Girard (Clinicienne de la Clinique Juridique Hijra).


L’objectif 20 encourage à rendre les transferts de fonds plus rapides, plus sûrs et moins chers, et plus largement à l’inclusion financière des migrants et de leurs familles.

Il est important de souligner que cela ne nécessite pas uniquement un taux moyen plus bas pour les transferts de fonds, comme l’ont souligné de nombreuses organisations financières internationales, mais que cet objectif exige que chaque personne ait accès à des transferts de fonds plus rapides, plus sûrs et moins chers et soit financièrement incluse. Par conséquent, il est important de prendre en compte les différences importantes entre les migrants, à savoir que les différents groupes de migrants sont exposés à des conditions financières différentes en ce qui concerne leur statut juridique, leur sexe ou le manque de documentation. Il est également important de prendre en compte le fait que l’accès des migrants et de leurs familles aux services financiers peut être substantiellement différent dans les pays d’origine, d’accueil et de transit. Ce blog propose cinq indicateurs permettant d’évaluer si l’objectif 20 est en phase avec ses obligations en matière de droits financiers et de droits de l’Homme.

1. Égalité et non-discrimination par rapport le statut migratoire dans les pays d’accueil (Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, art. 2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, art. 1 de la CMM)

Le statut juridique continue de façonner l’accès aux services financiers et d’offrir un accès différencié aux sphères économique, sociale et culturelle. Le problème pour les migrants en situation de vulnérabilité, dont les migrants en situation irrégulière et temporaire, mais aussi les réfugiés et les apatrides, est que leur statut juridique peut les exclure de l’accès aux services de paiement et d’envoi de fonds (voir objectif 7). Des exigences telles que l’identification légale (voir objectif 4) et la preuve d’une adresse permanente obligent les migrants en situation de vulnérabilité à recourir à une option peu pratique et coûteuse pour le versement de l’argent chez eux. De fait, le type de travail et le statut du visa sont également importants. Les migrants isolés qui travaillent ; telle que les domestiques, ceux qui travaillent dans les zones rurales, dans les champs ou qui effectuent des travaux saisonniers ou liés à des projets, peuvent avoir plus de difficultés à accéder aux services financiers. Mettre fin aux discriminations fondées sur le statut juridique (voir objectif 17) ou sur le lieu et le type de travail est essentiel pour accélérer l’inclusion financière et réduire le coût excessif des transferts de fonds. Les organismes nationaux de défense des droits de l’Homme devraient veiller à ce que les institutions financières ne pratiquent pas de discrimination fondée sur le statut migratoire, directement ou indirectement.

2. Identité légale et documentation (DUDH Art. 6)

Les mesures KYC (Know Your Customer) requièrent des procédures efficaces d’identification, de vérification et de contrôle préalable des clients. Ils sont particulièrement difficiles à remplir pour ceux qui n’ont pas d’identité légale et de documents (voir objectif 4) et qui doivent par conséquent compter sur les rares options de paiement disponibles, souvent compliquées et coûteuses. Les exigences de KYC peuvent empêcher les migrants et leurs familles, selon les pays d’origine, d’accueil et de transit, d’accéder aux services financiers. Les mesures du Groupe d’action financière (GAFI) contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme (recommandations du GAFI 2018), qui mettent l’accent sur le KYC, limitent les services de paiement, y compris les transferts de fonds, aux personnes ne disposant pas de documents suffisants. Au cours des dernières années, un certain nombre d’États ont opté pour l’identification numérique et l’e-KYC, qui fournissent des formes rapides d’infrastructure inclusive. C’est louable, mais il est nécessaire de prendre en compte et de respecter les préoccupations grandissantes relatives aux données et à la vie privée, en particulier pour les minorités (voir objectif 1). Le KYC prévoit que dans les États hôtes et les pays d’origine, toutes les personnes aient une identité et des documents légaux. Les organismes de réglementation devraient cependant s’assurer que les institutions financières ne font pas de discrimination à l’encontre des migrants en fonction de leur capacité à obtenir des documents spécifiques. Les organismes nationaux de défense des droits de l’Homme devraient obtenir la compétence pour contrôler l’accès des migrants aux institutions financières.

3. Remise de fonds

Les mesures prises par le Groupe d’action financière (GAFI) contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme (Recommandations GAFI 2018) ont conduit les institutions financières à adopter des stratégies d’atténuation des risques, à savoir la restriction des relations commerciales avec des clients potentiellement risqués. Cela a entraîné un certain nombre de fermetures de comptes, d’une part dans des régions considérées comme risquées, d’autre part, pour les prestataires de services spécialisé dans le transfert de fonds en espèces, réduisant ainsi les possibilités de recevoir des transferts de fonds. Il est important que les institutions financières ne fournissent pas d’évaluations globales des risques. De même, il est nécessaire que ces institutions n’abandonnent pas totalement leurs activités, que ce soit avec des clients définis par ces évaluations clients ou dans des régions définies aussi par ces évaluations globales. Les organismes de réglementation devraient veiller à ce que les paiements transfrontaliers à petite échelle, étiquetés comme des transferts de fonds, ne fassent pas l’objet d’un examen excessif et que les organisations dédiées au transfert d’argent ne soient pas perçues comme un risque en raison de leurs activités.

4. Emploi équitable (ICSECR art. 11, 12 et 13)

Pour pouvoir effectuer des transferts, les travailleurs devraient avoir accès à des politiques de l’emploi équitables, y compris un salaire égal pour un travail égal (voir objectif 6), ainsi que des droits connexes, tels que le droit de changer d’emploi, la liberté d’association, la couverture de sécurité sociale et l’assurance chômage. L’égalité des salaires et des conditions de travail devraient être contrôlées par les organes nationaux des droits de l’Homme, les syndicats et les inspecteurs du travail, et coordonnés par l’OIT.

5. Remises justes (art. 47 de la CMM)

J’utilise les « remises justes » pour cibler les politiques garantissant que les migrants disposent de revenus suffisants pour envoyer régulièrement de l’argent chez eux. Cela nécessite de regarder au-delà des transferts de fonds et de l’inclusion financière pour aller vers des politiques d’emploi équitables et réduire le coût total payé par les travailleurs migrants (par rapport à leurs homologues nationaux) pour vivre et travailler à l’étranger (Basaran et Guild, éd., Global Labour and the Migrant Premium : The Cost of Working Abroad). Dans la plupart des pays de transit pour la migration, les coûts de recrutement représentent à eux seuls entre un et dix mois de gains en revenus étrangers et les migrants peuvent perdre jusqu’à deux ans de revenus si tous les coûts sont pris en compte (coûts de recrutement, écarts salariaux, coûts sociaux et de santé, coûts de retour). Des transferts de fonds équitables reposent sur la réduction de la cotisation des migrants et sont confirmés par les droits de l’Homme internationaux, la législation du travail et en règle générale par les droits économiques et sociaux fondamentaux (ibid, p. 6). Les États doivent veiller, sous la conduite d’organismes internationaux tels que l’OIT, à ce que les migrants bénéficient de “transferts de fonds équitables”. Les organismes nationaux (qui peuvent aussi être des organismes indépendants, tels que les syndicats) doivent documenter la cotisation des migrants, c’est-à-dire les coûts auxquels les migrants sont exposés uniquement en raison de leur statut. Le HCDH et l’OIT pourraient jouer le rôle de coordonnateurs des avancés à accomplir pour l’élimination globale de la cotisation des migrants.